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J’ai vu comme de nombreux autres internautes les vidéos du journaliste Stanislas Kraland à propos du végétarisme et du végétalisme. Des vidéos pas vraiment tendres avec nos régimes qui jouissent d’une étiquette “santé”, puisque le journaliste a dû l’interrompre à cause de problèmes de santé, selon lui dus à son nouveau régime.

La première vidéo du journaliste, modestement nommée j’ai eu des problèmes de santé en devenant vegan, voici mon expérience et mes conseils, nous rapporte son témoignage négatif sur sa nouvelle alimentation. Des symptômes parfois étranges (crise de sciatique, perte d’audition), quand même classiques (gros manque) et même psychologiques (dépression).

Selon Stanislas Kraland, il n’aurait pas pris la peine d’écrire un livre et de faire ces vidéos s’il n’avait pas vu d’autres témoignages, parfois au mot près, sur la toile. Surtout aux États-Unis précise-t-il.

Sans surprise, le journaliste s’est pris une ribambelle de nom d’oiseau et de commentaires peu élogieux pour ces vidéos. Il aurait été payé par le lobby de la viande, il aurait complètement raté son régime alimentaire, il n’aurait mangé que des haricots et de la salade pour terminer dans un état pareil. Pire, ce serait même un affabulateur.

Franchement, il y a matière à se poser des questions. Encore plus de questions quand on regarde attentivement sa seconde vidéo, intitulée “ce qu’il faut savoir avant d’écouter les arguments sur les bienfaits des régimes végétariens et végétaliens”, qui ressemble plutôt à une vendetta contre ces deux diètes qu’à un véritable travail d’information.

Pourquoi ? Parce que certains arguments et propos du journaliste démontrent une confusion sur le sujet ou bien simplement, un manque de connaissance et de recherche scientifique. Pourtant, le journaliste soulève un sérieux lièvre concernant les fameuses positions des associations américaines de diététiques qui seraient tronquées à cause de leurs auteurs…

Alors Stanislas… On veut la Veritas ! (à prononcer “asse”, s’il vous plaît !)

Des problèmes avec le régime… Lequel en fait ?

Premier point vraiment surprenant de la part d’un journaliste qui écrit une vidéo où le végétalisme est explicitement ciblé alors qu’il n’a même pas été strictement végétalien. Ce n’est vraiment pas très malin de sa part, et il le confesse très rapidement et un peu maladroitement dans sa première vidéo.

“Une histoire très vite dépassée par les effets de cette alimentation d’abord végétarienne puis quasiment végétalienne sur mon corps”.

Allons… Il n’y aurait pas eu un peu de viandes dans ce régime ?!

Quasiment ? Un peu, beaucoup, passionnément végétalien ? Probablement pas. Dans la suite de la vidéo, le journaliste publié sur le Huffington Post nous précise bien qu’il a suivi un régime “végétarien avec peu de produits animaux”.

C’est à s’y méprendre une alimentation dite flexitarienne, ou moins bourgeoisement, quelqu’un qui fait un poil attention avec une alimentation surtout végétale. Je rentre personnellement dans cette catégorie.

Donc, l’attaque à proprement parler d’un journaliste sur le régime végétarien ou végétalien qu’il n’a même pas suivi est tout simplement scandaleuse. Le minimum pour faire une critique constructive aurait été de suivre strictement le régime.

Quitte à être malhonnête dans l’expérience, le journaliste aurait dû cacher cette info aux internautes. Il aurait été plus crédible !

Une dépression à cause de son régime ?

D’après Stanislas Kraland, auteur de l’ouvrage “L’expérience alimentaire” aux éditions Grasset, son régime végétalien, qui n’en était pas réellement un, aurait été à l’origine d’une dépression qu’il a du faire soigner chez un psychiatre.

Le journaliste est convaincu que le régime est responsable de ses symptômes dépressifs et de sa fatigue persistante à cause d’un manque de sérotonine, un neurotransmetteur responsable de notre “bien-être” selon ses mots, causé par le manque de son précurseur, le tryptophane, un acide aminé essentiel que l’on ne synthétise pas.

Le journaliste nous dit qu’il est “à peu près convaincu” qu’il manquait de tryptophanes et donc de sérotonine. La preuve ? Aucune. Pas d’analyse sanguine, pas de bilan, nous devons le croire sur parole. Je pense qu’on prendrait beaucoup moins au sérieux les analyses des lanceurs d’alertes sur les pesticides, les perturbateurs endocriniens ou les bisphénols sans la moindre analyse… et ce serait normal.

Mais quand même. Je ne vais pas dire que Stanislas Kraland est un menteur. Je ne vais pas non plus nier qu’il a été en dépression pendant son expérience bien peu rigoureuse. Mais je me demande si cette histoire de tryptophane et de dépression tient tant que ça la route.

Stanisla Kralans n’a pas sorti cette histoire de son chapeau. Des études sur la relation entre carence de tryptophane et dépression a été plutôt bien étudié. Mais les résultats ne penchent pas vraiment pour la théorie du journaliste, c’est même le contraire.

Une première étude publiée en 2000 fait état d’une corrélation entre dépression et carence en tryptophane1. Sauf que ces travaux ont été réalisés sur 12 patients, et montrent au mieux une corrélation de 0,27. Très simplement, en dessous de 0,75, on peut juger le modèle comme mauvais. D’ailleurs les résultats complets ne sont même pas significatifs.

Une équipe de neuroscience de New York a elle aussi voulu savoir si une carence provoquée en tryptophane chez des personnes saines pouvait induire des symptômes dépressifs2. Par “saines”, on parle de personnes qui n’ont jamais fait de dépression. Les chercheurs ont fait le test sur deux groupes : ceux sans risque familial de dépression et ceux avec des cas de dépression dans la famille. L’étude est un essai clinique randomisé, en double aveugle et contre placebo avec 25 patients. Ce sont les études les plus fiables. Dans le détail, la carence induite en tryptophane n’a eu aucun effet sur les personnes sans risque familiales. En revanche, les personnes avec un risque familial se sont trompées plus souvent sur l’identification des visages heureux, en les considérant plus souvent comme malheureux. Sauf que statistiquement, rien n’est significatif.

Plus proche de chez moi, une équipe néo-zélandaise a voulu vérifier si l’on retrouve bien des symptômes dépressifs chez des seniors atteints ou non de parkinson après une carence induite en tryptophane et donc en sérotonine3. Deux tests ont été utilisés pour mesurer l’humeur (MADRS et POMS). Pour les patients atteints de Parkinson, il n’y a aucun effet du traitement. Pour les seniors en bonne santé, le traitement n’a vraisemblablement eu aucun effet sur l’humeur. L’échelle la plus fiable (POMS) n’a pas changé, tandis que l’autre a légèrement augmenté (MADRS), signifiant une dégradation de l’humeur. Sauf que l’augmentation est si faible qu’elle serait cliniquement non pertinente pour les auteurs. En conclusion, ils estiment que la piste sérotinergique (et donc du tryptophane) n’est pas soutenue pour expliquer la dépression, au moins chez les malades de Parkinson.

Ce genre de résultats négatifs sont en réalité la grande majorité des conclusions des études sur ce sujet4 5. On ne retrouve aucun effet d’une carence en tryptophane sur l’humeur, avec parfois des tendances à la dégradation de l’affect, qui ne toucherait que les personnes avec une prédisposition familiale pour la dépression.

Scientifiquement, le lien entre tryptophane et dépression est donc loin d’être clair et d’être établi, même si les personnes atteintes de dépressions majeures semblent avoir moins de tryptophane circulant dans leurs veines6.

Au mieux, les personnes avec une prédisposition familiale de dépression pourraient être impactées. C’est bien le sens des méta-analyses publiées sur ce sujet qui suspecte un lien de causalité mais qu’il est impossible de confirmer à cause de la mauvaise qualité et de la faiblesse méthodologique d’une majorité d’études7.

Attention aux antidépresseurs…

Finalement, j’aimerais quand même avertir M. Kraland quand il termine son récit sur sa dépression en nous rappelant qu’il était sorti de sa dépression grâce à des antidépresseurs qui jouent sur les niveaux de sérotonine, et validant ainsi son raisonnement … alors que ces médicaments sont très controversés.

On les appelle des inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine, et bien souvent, les effets sont comparables à des placebos (ou bien très modeste), avec des effets secondaires graves. La revue indépendante Prescrire a placé 9 de ces antidépresseurs dans sa liste noire en 2017.

Pour la fatigue persistante qu’aurait ressentie Stanislas Kraland? Même chose de ce côté-là. Une étude pilote ne portant que sur 5 patientes n’a montré aucun lien entre ce syndrome et une carence en tryptophane8.

Que conclure ?

Je suis persuadé que de nombreuses personnes ne sont pas faites pour suivre une alimentation végétalienne. C’est clair, avec des explications biologiques concrètes. Stanislas Kraland en fait partie, peut-être. Il est aussi envisageable qu’il soit une personne à très haut risque de dépression, et que la moindre modification de son équilibre en je ne sais quel neurotransmetteur peut déclencher la fin de son monde.

Ou bien il se trompe. La raison est autre chose, ou plus compliqué encore, une myriade de différents facteurs et je pencherais intuitivement plus pour cette option quand on sait qu’il n’a même pas suivi un régime végétalien strict.

La suite ? Conflits d’intérêts !

Dans le prochain billet, je vais revenir sur la suite de son argumentation concernant les conflits d’intérêts des personnes qui publient des études positives sur le végétarisme ou le végétalisme. On va voir en détail si le fait d’être végétarien ou végétalien est un conflit d’intérêts dans l’écriture d’un article scientifique, et si toutes les preuves positives ont été faites par les adventistes du 7ème jour. Il défend ce point de vue dans une seconde vidéo, n’hésitez pas à me donner vos avis !

Autre point, on va revenir en détail sur les positions des académies et associations américaines favorables au végétalisme/végétarisme. On va bien s’amuser.

En attendant, j’essaie désespérément de contacter ce journaliste pour avoir des réponses à mes questions. Pour savoir le pourquoi du comment. Pourquoi avoir bâclé son expérience ? Pourquoi clasher les végétariens et les végétaliens sans avoir fait une expérience décente, des analyses de sang ou une revue de la littérature scientifique ?

En tout cas, je lui conseille de changer le titre de son article par :

“j’ai eu des problèmes de santé en tentant de me rapprocher un peu du végétalisme, mais sans l’être vraiment, et après tout, ce n’est pas bien grave non ?”


Références

Moreno, F. A., Heninger, G. R., McGahuey, C. A., & Delgado, P. L. (2000). Tryptophan depletion and risk of depression relapse: a prospective study of tryptophan depletion as a potential predictor of depressive episodes. Biological psychiatry, 48(4), 327-329.

Feder, A., Skipper, J., Blair, J. R., Buchholz, K., Mathew, S. J., Schwarz, M., … & Charney, D. S. (2011). Tryptophan depletion and emotional processing in healthy volunteers at high risk for depression. Biological psychiatry, 69(8), 804-807.

Mace, J. L., Porter, R. J., Dalrymple-Alford, J. C., & Anderson, T. J. (2010). The effects of acute tryptophan depletion on mood in patients with Parkinson’s disease and the healthy elderly. Journal of Psychopharmacology, 24(4), 615-619.

Leentjens, A. F., Scholtissen, B., Vreeling, F. W., & Verhey, F. R. (2006). The serotonergic hypothesis for depression in Parkinson’s disease: an experimental approach. Neuropsychopharmacology, 31(5), 1009.

Altman, S. E., Shankman, S. A., & Spring, B. (2010). Effect of acute tryptophan depletion on emotions in individuals with personal and family history of depression following a mood induction. Neuropsychobiology, 62(3), 171-176.

Ogawa, S., Fujii, T., Koga, N., Hori, H., Teraishi, T., Hattori, K., … & Kunugi, H. (2014). Plasma L-tryptophan concentration in major depressive disorder: new data and meta-analysis.

Shaw, K. A., Turner, J., & Del Mar, C. (2002). Tryptophan and 5‐Hydroxytryptophan for depression. The cochrane library.

Verkes, R. J., Fekkes, D., Bleijenberg, G., van der Meer, J. W., & Buitelaar, J. K. (2014). Tryptophan depletion in chronic fatigue syndrome, a pilot cross-over study. BMC research notes, 7(1), 650.

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1 commentaire
  1. Bonjour.
    Il y a 5 ans ( après un régime et un arrêt professionnel à 62 ans) j’ai eu une dépression sévère/suicidaire.Des maux de ventre indéterminés et une perte totale du sommeil pendant 5 jours, un traitement allopathique qui m’a entrainé dans les bas fonds de la paranoïa, perte de poids de + 25 kg, perte de motricité et tremblemnts, suées nocturnes m’empéchant de dormir pendant plus d’un an.
    J’ai servi de cobaye à une ribambelle de charlatans aux prescriptions allopathiques inconsidérées, puis une prise en charge avec de vrais cinglés, la totale !!!

    Sur ma route un vrai Médecin,( après 16 mois ) qui m’a mis sur une route alternative, celle du tryptophane et de la sérotonine en compléments alimentaires…En trois semaines le paysage s’est éclairci, ma mémoire est revenue progessivement, j’ai pu reprendre le dessin,l’internet, le bricolage…Tout avec l’ enthousiasme de mes 25 ans!
    ( A signaler que j’ai été accompagné par une épouse efficace et remarquable qui a su leur dire NON. Sinon je serais mort dans les pattes de ces abrutis irresponsables qui n’ont rien compris à mon état, ils n’ont fait que de me droguer !!!

    Pour témoignage d’un type qui se pensait solide comme un roc et qui doutait même de la dépression!( ex reporter, directeur dans différentes entreprises et sociétés, rédacteur en chef du 1er journal numérique Breton en 2008 ( 30 à 40000vs/Mois ).
    Nous avons changé notre alimentation ” conventionnelle “Pour une alimentation de 80% à 100 % hypotoxique , Bio autant que faire se peut, depuis + de 25 ans. (Je suis magnétiseur accessoirement et maintenant en 4eme année de médecine alternative…Je pète la forme ! )

    Voilà, en gros mon épopée.

    Je lis vos news avec un grand intérêt et je n’hésite pas à les transférer à mes Amis, Copains et plein d’autres.
    Vous faites un travail remarquable et avec qualité,super et bravos.
    Pierre LE SAYEC 09 61 67 25 77

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