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Certaines associations véganes ou environnementales utilisent le poids de l’élevage en termes d’émission de gaz à effet de serre pour les dénoncer. Des émissions qui seraient supérieures à celle de tous les transports de la planète réunis. Pourtant, l’analyse précise de ces deux secteurs révèle des différences notables qui rend la comparaison délicate…

L’élevage intensif : terrible pollueur de l’environnement

Manger tue, mais pas uniquement l’Homme, l’environnement aussi. L’impact de notre alimentation sur notre environnement mobilise de plus en plus nos sociétés modernes, tant les preuves de culpabilité s’accumulent et tendent à désigner des coupables. Parmi les accusés les plus entendus à la barre, nous avons les produits carnés: la viande rouge, le boeuf, le porc, les produits laitiers, de la production à la consommation, avec notamment le développement important des élevages dit intensif, concentrationnaire.

C’est l’un des chevaux de bataille des mouvements activistes véganes, lutter contre la consommation de produits animaux qui impactent durablement et négativement de nombreux écosystèmes. On parle de pollutions, de déforestations, de destruction de la biodiversité, et de perturbation climatique avec les fameux gaz à effet de serre (GES).

Ce dernier point bénéficie d’une attention toute particulière puisqu’il est au centre d’enjeux internationaux, avec le rôle central du GIEC, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (IPCC en anglais) qui nous rappelle les grandes menaces de nos émissions de GES.

Le GIEC émet tous les ans des rapports spectaculaires, tant sur la quantité d’analyses réalisées que la longueur des rapports (des milliers de pages), où tous les aspects de nos sociétés occidentales sont scrutés, et leurs impacts sur notre climat. Mais le GIEC n’est pas tout seul.

L’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) publie également des rapports sur le rôle des GES dans l’évolution du climat, avec une attention toute particulière sur l’élevage, dont la dernière parution de 148 pages remonte à 2014.

L’ouvrage “Lutter contre le changement climatique grâce à l’élevage : une évaluation des émissions et des opportunités d’atténuation au niveau mondial” se propose de revenir sur l’impact de l’élevage sur le climat, avec notamment la quantification des GES de ce secteur (télécharger ici le rapport de la FAO).

Sur les nombreux rapports émis par ces deux agences internationales, certains se sont emparés de plusieurs chiffres-clés sur les émissions de GES pour scander à l’unisson et sans interruption :

“L’élevage pollue plus que tous les transports de la planète réunis”

Nous l’avons tous entendu, lu, vu quelque part, je l’ai moi-même soutenu publiquement lors d’échanges sur ce sujet, avant, justement, de vérifier plus en détail ce fait. Ainsi, bon nombre d’associations véganes ou environnementales avancent cet argument massue, avec des chiffres à l’appui. L’élevage serait responsable d’environ 14,5% des GES de la planète, selon la FAO, tandis que les transports seraient responsables de seulement 14% des GES, selon le GIEC. La différence n’est pas énorme, mais l’effet est bien là, produire de la viande polluerait plus que conduire sa voiture.

Par exemple, le site “Viande.info” l’affiche très clairement sur sa page dédiée au réchauffement climatique :

“Dans un rapport postérieur, Tackling climate change through livestock (FAO, 2013), des calculs fondés sur des données plus précises établissent à 14,5 % la contribution de l’élevage dans les émissions de gaz à effet de serre d’origine anthropique, dont 8,8 % pour les seuls bovins. C’est légèrement plus que le secteur des transports (IPCC, 2014).”

Le problème réside bien dans le fait que ces deux chiffres à sensation sont issus de deux organisations différentes, avec des protocoles différents, des analyses différentes, des équations différentes. En bref, peut-on aujourd’hui comparer ces deux chiffres ou plutôt, est-ce que l’élevage pollue-t-il réellement plus que tous les transports de la planète ?

GIEC versus FAO : que le meilleur gagne ?

Selon le dernier rapport de la FAO, nous émettons environ 49 gigatonnes d’équivalent CO2 dans l’atmosphère tous les ans. Des chiffres en accord avec ceux du GIEC. Toutefois, la FAO va plus loin que le GIEC, puisqu’elle propose une quantification précise des émissions de GES en lien avec l’élevage. Un chiffre estimé à 7,1 GtCO2 par an, soit 14,5% des émissions totales.

Mais la FAO se base essentiellement sur les analyses du cycle de vie (ACV) afin d’identifier, dit-elle, les principales sources d’émissions le long des filières “depuis l’utilisation des terres pour la production d’aliments du bétail jusqu’au transport des produits de l’élevage au point de vente“.

Voilà une information capitale. Les analyses de la FAO, comparées à celle du GIEC sur les transports, prennent en compte… les transports ! Nous avons donc selon toute vraisemblance un chevauchement, plus ou moins fort, entre les deux chiffres, à cause de la variable transport. Et c’est d’ailleurs l’une des principales critiques des défenseurs de l’élevage : le GIEC ne réalise pas d’ACV pour les transports, il ne prend en compte que les émissions de GES des véhicules.

Le rapport de la FAO nous indique dans son résumé que 6% des émissions de GES de l’élevage sont attribuables à la transformation et au transport des produits animaux. Sur les 7,1 Gt.eq.CO2 émit par l’élevage, 0,4 serait donc émis pour la transformation et le transport, au maximum. Un chiffre que l’on pourrait légitimement retirer du total pour éviter le chevauchement avec le chiffre du GIEC, et qui nous rapprocherait plus de 6,7 Gt.eq.CO2, soit 13,6%, en deçà des 14% du transport trouvé par le GIEC. En toute rigueur, il faudrait extraire précisément la variable “transport” de ces 6%, avec une forte possibilité de se rapprocher des fameux 14% des transports du GIEC.

Nous sommes d’accord, ces calculs sont approximatifs, mais nous invitent à tempérer cette affirmation comme quoi l’élevage polluerait davantage que les transports. Mais que dit le GIEC ? N’a-t-il pas étudié l’impact de l’élevage ?

Malheureusement, et c’est plutôt surprenant, le GIEC ne fournit pas de chiffre précis sur l’impact de l’élevage dans les émissions de GES. Sur les 1500 pages de son rapport de 2014 émis par le 3e groupe de travail, nous savons uniquement que l’élevage intègre la grande catégorie “AFOLU” pour Agriculture, Forêt et autre utilisation des terres. Si le rapport s’étend très largement sur le rôle majeur de l’élevage, précisant dès l’introduction que ce secteur “est responsable de près d’un quart des émissions humaines de GES, principalement à cause de la déforestation, de l’élevage et de la gestion des sols et des intrants”, nous ne connaîtrons pas les émissions exactes.

Le GIEC développe également en détail les points importants à changer pour rendre l’élevage moins polluant, en insistant très particulièrement sur l’évolution du régime alimentaire. Toutefois, le GIEC nous indique en page 86 que l’élevage pourrait être responsable d’au moins 5 à 5,8 Gt.eq.CO2 émis, incluant les rizières (mais qui ont une faible contribution), et représentant entre 10 et 12% des émissions de GES totaux.

Là encore, même si les chiffres restent imprécis, l’estimation est inférieure à celle des transports (14% des émissions de GES).

Les produits carnés : un véritable enjeu environnemental

On se rend compte que comparer les chiffres de la FAO avec ceux du GIEC n’est pas très fair-play, ni même rigoureux. Par contre, si l’élevage semble “moins polluer” que le domaine des transports, il reste est une priorité du GIEC pour profondément modifier, voire améliorer, l’évolution du climat. Et pas seulement du GIEC.

Toutes les synthèses et méta-analyses de la littérature scientifique sont unanimes : les comportements alimentaires représentent un levier majeur pour faire diminuer les émissions de GES, et la première cible, c’est la viande bien sûr. Une synthèse publiée en 2013 nous indiquait que “les changements vers une alimentation plus saine nécessitent une réduction significative des apports en viande et en produits laitiers afin d’influencer les impacts climatiques liés à notre alimentation”. 1 Des conclusions en accord avec une récente synthèse de la littérature réalisée en 2014 sur cette problématique. 2

La plus récente synthèse de la littérature a été publiée début 2017 par l’INRA. Sans surprise, ce consortium de chercheurs français nous indique que la réduction de notre consommation de viande a été identifiée comme le facteur principal pour réduire les émissions de GES en lien avec notre alimentation. 3

Alors que les choses soient claires : si la comparaison “transport” et “élevage” est un peu bancale en termes de GES, ce dernier reste un levier stratégique dans la gestion du changement climatique. Notre consommation excessive de produits animaux, couplée avec des méthodes de productions concentrationnaires qui ne respectent pas le bien-être des animaux, doit être réduite.


Références

1. Heller, M. C., Keoleian, G. A., & Willett, W. C. (2013). Toward a life cycle-based, diet-level framework for food environmental impact and nutritional quality assessment: A critical review. Environmental science & technology47(22), 12632-12647.

2. Johnston, J. L., Fanzo, J. C., & Cogill, B. (2014). Understanding sustainable diets: a descriptive analysis of the determinants and processes that influence diets and their impact on health, food security, and environmental sustainability. Advances in Nutrition: An International Review Journal5(4), 418-429.

3. Perignon, M., Vieux, F., Soler, L. G., Masset, G., & Darmon, N. (2017). Improving diet sustainability through evolution of food choices: review of epidemiological studies on the environmental impact of diets. Nutrition Reviews75(1), 2-17.

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5 commentaires
  1. Bonjour,

    J’aime beaucoup votre travail et je vous remercie pour le temps que vous y consacrez.

    Je sais que l’étude de Worldwatch n’est pas “peer reviewed” mais je me demandais quand même ce que vous en pensiez? Vous n’en parlez pas dans votre article alors que c’est souvent elle qui est citée. Même sans peer reviewing, elle reste très intéressante et pose des bonnes questions sur le réel calcul.

    Dans tout les ca, je suis d’accord avec votre conclusion. Que ça soit plus ou moins n’est pas le plus important, c’est déjà trop!

    https://www.worldwatch.org/files/pdf/Livestock%20and%20Climate%20Change.pdf

    merci

  2. Hello Jérémy !

    Quelques éléments de réflexion:

    le calcul des chiffres dépend de beaucoup de choses et notamment de l’échelle de temps sur laquelle on se place (méthane/CO2 pas même puissance ni même durée de vie). Il y a bien une étude qui avance 51% des GES selon la méthode et ce qui est pris en compte (déforestation notamment et respiration des animaux). Et l’élevage extensif est pire que l’intensif d’un point de vue environnemental. check ce document de l’AVF: http://alimentation-sante.org/wp-content/uploads/2015/12/rapport_scientifique_2015_09.pdf

    Il faudrait aussi prendre en compte le potentiel naturel de REforestation des surfaces de pâturages et de monocultures fouragere devenues inutiles dans un scénario sans viande et donc le développement de nouveaux puits de carbone. (est ce le cas dans le calcul de la FAO ou GIEC ?) Quelques chiffres qui font réfléchir : https://www.youtube.com/watch?v=UvsJURSydZA&t=277s (le ton est un peu particulier et j’ai pas vérifié le calcul mais l’idée est là). si jamais tu as le temps de creuser entre tous tes dossiers.

    Ahhh les chiffres !

    Sinon le titre parle de pollution, concept plus large que les seules émissions de GES, attention à ne pas faire plus accrocheur que les slogans vegan :) ! (et pas forcément plus vrai du coup)

    bien d’accord avec le dernier paragraphe, l’alimentation énorme rôle à jouer.

    petites reflexions sur la prise en compte l’évaluation des alternatives (efficacité/pragmatisme): Niveau élevage, c’est très facile puisque qu’il est totalement inutile (à part peut etre quelques exceptions minoritaires dans différents coins du monde…). Suffit de consommer directement les végétaux qu’on fait déjà pousser pour les animaux et d’un coup on réduit ultra drastiquement notre impacte. cela ne demande pas de faire mais plutot de ne pas faire. easy, gratos et accessible à tous ! c’est une solution immédiate et qui ne nécessite aucun investissement. Niveau transport, c’est tout de suite plus compliqué. Autre source d’énergie ? laquelle, comment la stocker ? retour au cheval ? donc élevage pour 7 Milliards d’humains…. ce serait peut etre meme pire. Transports collectifs à développer pour sur, rail, vélo, voile… tout de suite plus compliqué d’un point de vue logistique pragmatique, plus long à mettre en place (a-t-on encore le temps ?), plus couteux, moins pratique, plus contraignant… et en terme de résultat, peut etre pas aussi drastique que d’arreter l’élevage. a moins d’arreter de se déplacer ou d’importer. contraintes beaucoup plus lourdes pour la société moderne en terme de conséquences que de faire des steacks de legumineuses.

    on peut peut etre faire la distinction entre pollution totalement inutile (celle de l’élevage) et pollution dont on ne peut pas facilement et complètement se passer (celle des transports) ?

    A+++

    Quentin

    1. Salut Quentin et merci pour ce long commentaire intéressant. Je connais le document de l’AVF, et concernant l’élevage intensif vs. extensif, effectivement il y a bien une différence “intéressante” en faveur de l’intensif. Mais comme le dit le document, “l’agriculture extensive biologique reste globalement bien moins néfaste à l’environnement que l’agriculture conventionnelle car elle n’utilise pas ou peu d’engrais ni de pesticides de synthèse.”

      Sans parler du bien être animal. Pour moi, c’est un moindre mal, et l’élevage intensif peut être utilisé à des fins de revégétalisation ou refertilisaton des sols (voir les travaux d’Allan Savory, même si il a été critiqué aussi).

      Pour le titre, oui il est un peu global et englobe pollution mais il ne faut pas s’arrêter au titre hein !^^ Il y a l’accroche, puis ensuite le détail dans le reste de l’article (c’est dur d’accrocher les lecteurs ces derniers temps).

      J’ai beaucoup apprécié tes réflexions sur les alternatives. Je suis personnellement pour le maintien des élevages extensifs sans déforester plus. J’estime que l’équilibre alimentaire et professionnel doit passer par l’élevage, avec le plus de respect possible (mais je sais respect et tuer, c’est paradoxal dans la philosophie que tu défends). En tout cas, trop de viande et de mauvaise qualité sont dommageable pour tout le monde, pour l’environnement et notre santé, c’est un fait difficilement contestable. Il y a tellement de levier différent, le gaspillage alimentaire, la biodynamie, la permaculture, les transports, l’industrie, etc.

      Je vais prendre le temps de vérifier un peu les calculs que tu as donné ! Merci pour l’échange !

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