Les chiens sont-ils mieux lotis que nous à propos du cancer ? Le fenbendazole, un vermifuge ultra-répandu pour chien, est plébiscité pour détruire toutes les cellules cancéreuses et les métastases sans le moindre effet secondaire. Faut-il se ruer chez son vétérinaire en cas de cancer ?
© gpointstudio| Freepik
Les vermifuges (dewormer en anglais) ont-ils des pouvoirs anticancéreux exceptionnels ?
Dans la suite de l’enquête sur l’ivermectine – cet antiparasitaire à large spectre massivement utilisé chez l’homme – le fenbendazole promet lui aussi de réduire les tumeurs à peau de chagrin, sans le moindre effet secondaire.
Mel Gibson a récemment relancé le débat autour des vermifuges dans le traitement du cancer, mentionnant trois amis qui se seraient débarrassés de cancers aux stades les plus avancés.

Mais le fenbendazole n’a pas eu besoin de Mel Gibson pour devenir populaire et obtenir une attention internationale.
L’histoire remonte à 2016. Un certain Joe Tippens témoigne face caméra de sa guérison spectaculaire d’un cancer des poumons avec nombreuses métastases en utilisant… le fameux vermifuge pour chien.
C’est à partir de cette date que le monde découvre la possibilité de se soigner avec ce type de produit, qui ne bénéficie d’aucune autorisation chez l’homme.
Une étude en Corée du Sud parue en 2022 s’est d’ailleurs spécialement intéressée à l’utilisation de ces vermifuges pour traiter les cancers. Ils ont voulu évaluer l’impact de ces médiatisations dans la population.
Les résultats sont sans appel. Si seulement deux personnes affirment avoir utilisé un vermifuge pour son cancer entre 1996 et 2016, ce chiffre bondit à plus de 80 personnes entre 2016 et 2021.
L’impact de Joe Tippens a probablement été important, planétaire.
Pourquoi alors le fenbendazole attire-t-il autant l’attention ?
Ce vermifuge pour chien partage toutes les grandes caractéristiques de l’ivermectine.
- Il est quasi-gratuit
- Avec un profil de sécurité correcte (du moins chez les animaux)
- Et des études précliniques sur le cancer extrêmement prometteuses
Promesses thérapeutiques

Comme l’ivermectine, des chercheurs dans le monde entier ont évalué les propriétés anti-cancéreuses de ce vermifuge pour chien. C’est simple, rapide et peu coûteux.
Dans la version la plus économique, les scientifiques font des cultures de cellules cancéreuses (souvent humaine) qu’ils mettent directement en contact de la molécule d’intérêt. Les expériences in vitro sont très souvent positives.
Mais elles ne garantissent en rien l’efficacité réelle chez la souris, et encore moins chez l’homme avec un organisme et des cascades biochimiques aussi complexes. 9 fois sur 10 les promesses obtenues in vitro disparaissent lors d’essai clinique chez l’homme.
On compte au moins 12 études faites in vitro avec des résultats positifs sur les cancers du sein, colorectal, hépatique, des poumons, de la peau ou sur des leucémies.
Les études sont en revanche pas si nombreuses quand il s’agit de souris. On peut les compter sur les doits d’une main !
Il n’y a bien sûr aucune étude chez l’homme, de près ou de loin. C’est un autre point commun avec l’ivermectine, le bleu de méthylène mais aussi l’urine, le corossol ou le bicarbonate de soude !
Nous avons par exemple une étude indienne qui montre le rôle considérable du fenbendazole pour empêcher la croissance d’un cancer des poumons à petites cellules. Les chercheurs ont donné 1mg de vermifuge qu’ils ont dissous dans de l’huile d’olive.
Mais problème, les scientifiques indiens n’ont pas comparé le vermifuge avec une chimiothérapie de référence, ni en association.
On ne sait pas si le fenbendazole est équivalent, supérieur ou inférieur à la médecine conventionnelle ni si l’association avec une chimiothérapie est bénéfique pour les souris malades. L’étude indienne ne précise pas le taux de survie des souris.
C’est dommage, même si on peut se douter que la survie doit être importante vu la faible croissance des tumeurs. Faudrait-il encore le confirmer. Il faut toujours le confirmer.
Des petits détails me dérange aussi. La publication ne mentionne pas le nombre de souris. Cet oubli est très embêtant. Vous l’aurez probablement remarqué, mais l’échelle de temps est fausse. On passe de 0 à 1 jour, puis à 4 jours pour repasser à 6 jours… J’ai repris l’échelle de la publication indienne. Bref, ces petits détails, avec l’absence de groupe traité par chimiothérapie, ne me rassure pas vraiment sur la qualité réelle de l’étude.
Ce n’est donc pas trop mal, mais très léger.
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1 commentaire
article passionnant une fois de plus.
Je fais beaucoup de cancéro alternative sur les chiens mais je n’ai utilisé le panacur qu’une seule fois à dose massive d’un comprimé à 250 lg / j pour un chien de 25 kg . Le chien n’a pas survécu , en 3 mois il a été plié ( héangiosarcome rate + foie) . Je suis comme toi très sceptique sur ce cas de Tippens dont tout le monde parle et pense qu’il fait partie de ces cas miraculés ( 1 à 3% ) qui ont en plus pris tout le traitement conventionnel. (notre chien n’avait que des compléments car on ne fait pas de chimio à notre clinique) .
Par contre , en 78 mon cher professeur de pathologie du bétail et directeur de l’ecole vétérinaire de lyon, s’est soigné d’un mélanome malin de la cuisse en se piquant toutes les semaines au levamisole ( molécule vermifuge injectable très proche du fenbendazole et très utilisée à l’époque sur tous les animaux de ferme ) in situ dans la tumeur… Je ne me souviens plus du protocole exact qu’il utilisait, ni s’il avait es traitements complémentaires, mais en tous cas ce cher Pr Philippe Cottereau s’en est sorti et est décédé en 2016 à 89 ans de vieillesse…
Et le lévamisole ( nemisole injectable ND) est bien cité dans la lutte contre certains cancer ( colorectal, de la tête et du cou et du mélanome par wikipédia… source peu scientifique j’en conviens) .
Je ne suis pas allé plus loin mais je suis d’accord avec toi pour dire que per os, c’est très aléatoire par rapport à la boite de petri, mais in situ ça me parle plus…
A réfléchir, moi j’ai très envie d’essayer du coup.
Merci pour ton travail magnifique, à bientôt sur ton site, amicalement , Pierre May vétérinaire.