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Une carence n’est jamais bon signe. Surtout quand il s’agit de la vitamine D. Son rôle dans le fonctionnement normal du coeur est important. Est-ce qu’une carence est dangereuse ? Faut-il se supplémenter absolument ? Éléments de réponses.

© Mohammed Zayan Khan| Unsplash

Soleil, brûlure et vitamine

Le soleil est aussi dangereux qu’indispensable. Ses rayons ultra-violets nous brûlent littéralement la peau quand on s’expose trop longtemps et sans précaution (lire ici l’enquête sur la crème solaire et les cancers).

(c) BATCH by Wisconsin Hemp Scientific

Mais ils déclenchent aussi au contact de notre peau des réactions biologiques d’une rare complexité à l’origine de la création de vitamine D (on parle de la vitamine D3 ou cholécalciférol pour les intimes).

Cette hormone liposoluble est virtuellement nécessaire partout.

Mais nous avons plusieurs problèmes, surtout en lien avec les maladies cardiovasculaires.

  • Premier problème : le soleil fait son timide en hiver et on se retrouve avec une population carencée et déficiente en vitamine D.
  • Second problème : la déficience en vitamine D favorise la formation d’athérome et la calcification des parois des vaisseaux sanguins (lire notre enquête sur les plaques d’athéromes avec le « mauvais cholestérol)
  • Troisième problème : on remarque que les personnes avec une déficience en vitamine D ont un risque augmenté d’avoir une maladie cardiovasculaire
  • La solution paraît évidente : il faut supplémenter en vitamine D pour corriger les carences et réduire le risque de maladies cardiovasculaires (MCV).

Du soleil plein les ventricules

Sauf que pour en avoir le cœur net, il faut faire des études cliniques. C’est simple : on va diviser un groupe de participants en deux.

  1. Au premier, on donnera un cachet inerte (un placebo)
  2. Au second, on donnera un cachet avec de la vraie vitamine D

Les deux groupes doivent dans l’idéal ignorer ce qu’ils prennent. C’est la mise en aveugle et ça permet d’avoir une meilleure confiance dans les résultats. Parfois le premier groupe reçoit aussi un peu de vitamine D (c’est plus éthique, car ils sont en carences…).

On essaie de contrôler le plus de paramètres possible et on fait un tirage aléatoire des participants (la randomisation) pour la comparabilité des groupes. Oui, comparer c’est un art délicat qu’il faut bien maîtriser !

Donc, si on corrige les carences d’un groupe par rapport à l’autre, on devrait observer moins de maladies cardiovasculaires.

Est-ce le cas ?

Non (*).

Mais pourquoi diable toutes les études cliniques qui corrigent les carences (et peu importe la posologie) ne montrent-elles pas de bénéfice sur la santé cardiovasculaire ?

 

Le comble de la vitamine D

Là, il faudrait m’expliquer.

Quand on prend des gens aux hasards dans la population et qu’on regarde le taux de vitamine D avec le risque de MCV, le lien est clair. Plus la vitamine D est basse, plus le risque de MCV est haut.

Pourtant, quand on corrige cette carence avec une supplémentation quotidienne ou mensuelle, cela ne change pas le risque de MCV.

Dites-vous bien que les scientifiques s’arrachent un peu les cheveux pour comprendre ce résultat. Cela pourrait être la conséquence des études qui n’arrivent pas à montrer d’effet positif.

Peut-être la dose et de la fréquence ? Mais pour le coup, les études à disposition proposent souvent une forte supplémentation quotidienne, celle supposément la plus efficace.

Ou peut-être qu’on rate le sens de l’observation.

Comme je le disais dans l’article sur les personnes atteintes de fatigue chronique avec une carence en vitamine D. Ces personnes ont (peut-être) des carences en vitamine D parce qu’elles sont fatiguées… et donc sortent moins.

Pour les maladies cardiovasculaires, c’est peut-être la même chose. Ces personnes qui sortent moins auront une carence en vitamine D mais feront aussi moins de sports que les autres.

Le risque cardiovasculaire augmente à cause de la sédentarité, en parallèle avec la déficience en vitamine D.

Vous saisissez ? C’est comme l’histoire des personnes en surpoids qui ne prennent pas de petit-déjeuner. On pourrait penser que le fait de sauter le petit-déjeuner rend obèse, mais c’est plutôt l’inverse qui est vrai !

Une causalité nuageuse

Devant la multiplication des observations épidémiologiques (carence et maladie) contredites par l’expérimentation clinique (supplémentation inefficace), les chercheurs utilisent de plus en plus la randomisation mendélienne.

J’en parlais dans plusieurs articles (sur l’huile végétale qui donne le cancer de la peau ou la relation avec le covid-19). C’est un peu technique et discutable (toute méthode peut et doit l’être) mais ça permet de s’affranchir des biais classiques des observations dans le monde réel.

On utilise des variations génétiques qui vont prédestiner des personnes à avoir telles ou telles caractéristiques. Ici, c’est le taux de vitamine D qui nous intéresse. Ces études comparent donc des personnes qui ont des taux bas et haut d’une manière « innée », génétique.

Plusieurs études de ce type parues en 2015, 2019 et 2024 ne montrent pas de lien de causalité entre les maladies cardiovasculaires et le taux de vitamine D.

D’autres oui. La seule différence ? L’utilisation d’une méthode non linéaire qui pose question quant à la qualité de la méthode.

Bref, les scientifiques se disputent et se chamaillent avec des publications qui tendent toutes vers la même direction : l’effet causal de la vitamine D sur le risque cardiovasculaire est très incertain.

C’est pourquoi il faut se méfier des associations qui paraissent évidentes. Une méfiance qu’on peut appliquer aux fameux oméga-3, réputé anti-inflammatoires et essentiel pour l’organisme, dont la supplémentation est pourtant loin d’être une panacée.

Le « bon sens » nous joue souvent des tours. Et le cas de la vitamine D est un cas d’école où l’on doit rester méfiant (j’en parlais pour les infections respiratoires, mais aussi pour se protéger du covid-19 ou de mourir).

À retenir

  • Une carence en vitamine D doit être corrigé. Cette hormone liposoluble est importante pour le fonctionnement normal du corps.
  • Le lien de cause à effet entre la vitamine D et les maladies cardiovasculaires n’est pas clair.
  • Les données de la science ne montrent pas un effet protecteur d’une supplémentation en vitamine D contre ces maladies cardiovasculaires.
  • Deux méta-analyses (lire l’enquête sur les avantages et les inconvénients des méta-analyses) chez plus de 80 000 et 390 000 participants n’ont pas montré de bénéfice d’une supplémentation en vitamine D sur le risque cardiovasculaire.

On reste en contact ?

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7 commentaires
    1. Bonjour Bastien,

      Le “problème”, c’est qu’on retrouve beaucoup de résultats décevant comme pour la vitamine D. L’une des études citées dans cet article sur la vitamine D a aussi étudié l’impact d’une supplémentation en oméga-3 sur les maladies cardiovasculaires, sans succès.

  1. Bonjour
    Etude tres intéressante . Pour que la vitamine D soit assimilable il faut la prendre avec de la vitamine K d après le Dr Resimont Livre du dr Resimont “Pleine sante” très instructif. Je précise que je ne fait pas de pub pour le Dr Resimont que je ne connais pas mais dont j ai lu le livre et je pratique certaines de ses recommandations surtout pour la vitamine d. Cordialement

    1. Bonjour Marie-France,

      Oui, la vitamine D est en interaction de nombreux autres éléments, dont la vitamine K mais aussi le magnésium ou le zinc. Il faudrait vérifier tous ces minéraux et éléments dans des prises de sang, mais cela pourrait rapidement devenir contraignant. L’assimilation est certes améliorer en l’absence d’autres carences, il faut donc veiller à corriger toutes les carences éventuellement présentes. Ceci étant dit, même en l’absence de co-supplémentation en vitamine K, on observe dans les essais cliniques des augmentations assez importantes du taux de vitamine D uniquement avec ces compléments.

      Au plaisir de vous lire

  2. Je n’ai pas vu, dans ces méta-analyses, quels étaient les dosages de D3 utilisés pour la supplémentation… Car le problème est que la plupart des médecins prescrivent des doses trop basses pour augmenter significativement le taux sanguin. Les études interventionnelles recherchent une association des maladies cardiovasculaires à la supplémentation (oui/non) et non à l’augmentation du taux sanguin.
    Un autre problème est que la supplémentation seule en vitamine D est inefficace si elle n’est pas complémentée par un ajout de vitamine A. La vitamine D a besoin de vitamine A pour être efficace, mais pas en excès (voir leti.lt/pmkt) car des mécanismes antagonistes entrent en jeu.
    La vitamine K2 permet à l’organisme d’utiliser correctement le calcium. Cette vitamine contient de la protéine Matrix gla dont le rôle est déterminant pour éviter que le calcium soit accumulé dans les reins ou sur les artères. Autrement dit, une supplémentation en seule vitamine D peut aggraver la calcification des artères, ce qui est contraire à l’effet recherché.
    L’équilibre entre magnésium et calcium est aussi à prendre en compte… Voir mon article leti.lt/8rx6 pour plus de détails.
    Pour résumer, il n’y a rien de surprenant à ne pas mesurer l’effet d’une seule supplémentation en D3… Or la complexité des mécanismes évoqués ne permet pas de concevoir des groupes randomisés pour des essais cliniques.
    La bonne nouvelle est que les nutriments nécessaires à un bon effet de la supplémentation en D3 (indispensable si le taux sanguin est insuffisant) existent en abondance dans les produits d’origine animale : beurre, jaune d’œuf, fromages, foie animal, et aussi le natto pour la vitamine K2 et d’autres enzymes bénéfiques.

    1. Bonjour Bernard,

      Tes critiques sont parfaitement fondés. Même si certains essais cliniques (et de grande envergure) mesurent bien les taux de vitamine D et montrent bien des augmentations même avec des doses “standards” (comme 2000 UI /jour). Nous avons une méta-analyse des essais cliniques qui montrent la capacité d’une supplémentation en D3 (et supérieur à la D2) pour faire monter le taux sanguin, sans co-supplémentation (https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/22552031/).

      Je conçois parfaitement qu’il y a des situations optimales et sous-optimales. C’est pour cela que je vois ces essais cliniques comme pragmatiques. C’est un peu comme un programme de santé publique où l’on a des gens qui respectent les préconisations, avec des différences d’âges, d’alimentation et d’hygiène de vie qui vont nécessairement avoir des impacts sur l’assimilation des suppléments. Je conçois que les augmentations peuvent être modeste, en moyenne, et qu’il faudrait peut-être envisager des essais cliniques avec des “méga-doses” comme avait pu le faire l’équipe de Cédric Annweiler pour le covid chez les personnes âgées.

      Tu as par exemple cette étude clinique sur 3 semaines avec 2000 UI par jour chez des sportifs (https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/32272973/) qui montre une augmentation de +7 ng/ml. Ce n’est pas exceptionnel mais ça monte ! :D Je me suis permis de faire des petits calculs avec les résultats d’analyses de ta supplémentation (c’est un super article que tu écris encore une fois !) et tu as fait en moyenne du 6666 UI par jour pendant 180 jours (6 mois avec 50 000 UI par semaine) avec une augmentation de +17 ng/ml. On a presque un résultat linéaire (facteur 3) de ces résultats.

      Tu aurais des résultats d’études cliniques comparant l’effet d’une co-supplémentation vitamine D et K2 par exemple sur le taux sérique ? A te lire.

  3. Pour la “linéarité”, nous avons toujours appliqué (lorsqu’on nous le demandait) les dosages de supplémentation D3 proposés par GrassrootsHealth pour atteindre le taux de 40 à 60 ng/ml. Je ne retrouve pas le tableau sur leur site mais il est en copie ici : https://lebonheurestpossible.org/wp-content/uploads/2015/11/chart-serum-level-intake-vitamin-d.png
    Ce sont des infos publiées par des vendeurs de suppléments, donc que nous avons pris avec des pincettes, puis confirmées par l’expérience chez plusieurs personnes et sur plusieurs années…
    A priori, supplémenter en K2 n’a aucune raison d’augmenter le taux sérique de D3. La vitamine K2 permet seulement au calcium de se déposer là où il est utile (dents, os…) plutôt que sur les artères ou dans les organes. D’autre part, notre “supplémentation” se réduit à la consommationn quotidienne d’un peu de natto — comme au Japon.

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