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Afin de limiter la transmission par infection nosocomiale du virus de la grippe du personnel soignant vers les seniors vulnérables des EHPAD, les autorités sanitaires et politiques recommandent de vacciner tous les professionnels de santé de ces établissements. La mesure servirait à limiter les cas d’infections, les hospitalisations et bien sûr les décès qui touchent fortement les plus de 65 ans. Malheureusement, aucune évidence scientifique sérieuse ne prouve l’efficacité d’une telle mesure: vacciner le personnel soignant au contact des personnes âgées ne protège d’aucune manière contre les infections des voies respiratoires inférieures, et contre les décès. Quand nos autorités sanitaires prendront-elles en compte les données scientifiques pour établir de véritables recommandations utiles de santé publique ?

 

Les professionnels de santé doivent se faire vacciner !

Selon la ministre de la Santé Marisol Touraine, et Benoît Vallet, le directeur général de la santé, tous les soignants, et l’ensemble des professionnels de santé, qui seraient en contact avec des personnes âgées résidents dans des établissements de soins (EHPAD) devraient se faire vacciner contre la grippe.

L’objectif de cette opération ? Éviter que les professionnels de santé ne transmettent le virus de la grippe chez des personnes âgées, beaucoup plus vulnérables que les autres, et chez qui nous observons malheureusement la quasi-totalité des décès (90%).

Le principe est donc louable, même extrêmement louable. Pour éviter les complications et les éventuels décès à cause des infections grippales nosocomiales, l’ensemble de nos institutions scientifiques et administratives recommandent que tous les soignants se vaccinent. D’ailleurs, l’obligation fait débat, et 61% des Français seraient d’accord pour contraindre les professionnels de santé à s’injecter annuellement le remède miracle.

Le sujet fait débat chez les infirmiers et les médecins eux-mêmes. Si certains pointent du doigt l’inefficacité du vaccin, les risques possibles et l’absence d’obligation, certains n’hésitent pas à parler de faute professionnelle, et faisant miroiter le risque de contaminer sa famille, ses amis et pire, ses patients fragiles.

Justement. Si le sujet fait débat, c’est bien que la question de l’efficacité du vaccin n’est pas claire. Si le sujet fait débat, avec certains infirmiers réticents (une très grande majorité en fait), c’est bien que ces soignants ont lu quelque part des choses. Quelles choses ? Des preuves scientifiques.

Oui, car nos infirmiers et médecins ont toutes les raisons de douter de l’efficacité du vaccin antigrippale pour eux-mêmes et leurs patients vulnérables. Ce n’est pas moi qui le dis, c’est la plus sérieuse étude scientifique publiée en 2016, par l’une des plus prestigieuses revues médicales de la planète, la Library Cochrane, à destination des décideurs, des professionnels de santé… et de moi.

Aucun bénéfice démontré de vacciner les soignants

Elle fait plus de 60 pages (en PDF). Elle est rédigée en anglais. Les auteurs ne possèdent aucun conflit d’intérêts. Elle propose de faire la synthèse de l’ensemble des preuves scientifiques dont nous disposons aujourd’hui sur l’efficacité du vaccin antigrippale des professionnels de santé sur les cas de grippe, les pneumonies, les décès par pneumonie et les hospitalisations pour des maladies respiratoires des personnes âgées de 60 ans ou plus, dans les EHPAD (1).

En bref, cette synthèse répond exactement à la question de cet article: faut-il vacciner les professionnels de santé pour sauver, en totalité ou en partie, les personnes âgées à risque.

Malheureusement pour la ministre de la Santé, son directeur général, mais également pour l’Ordre national des infirmiers (ONI), ou encore pour Martin Hirsch, le directeur général de l’Assistance Publique et des Hôpitaux de Paris (APHP), vacciner les soignants dans les EHPAD n’apporte strictement aucun bénéfice. Aucun.

Selon les auteur de cette synthèse et méta-analyse, qui représentent en science l’un des plus hauts niveaux de preuve scientifique, les programmes de vaccination des professionnels de santé n’apportent pas de bénéfice sur les cas de grippe chez les personnes en EHPAD, ainsi que sur les éventuelles complications, et encore moins sur le risque de mortalité.

Voici ce qu’ils en disent:

Nos résultats n’ont pas identifié de preuves concluantes des bénéfices des programmes de vaccination des professionnels de santé au niveau des attendues tels que les cas de grippes vérifiés en laboratoire, ses complications (les infections des voies respiratoires inférieures, les hospitalisations et les morts à cause de ces infections des voies respiratoires), et sur toutes les causes de mortalité des personnes âgées de plus 60 ans qui vivent dans des institutions de soins.

Cette équipe du Canada rajoute que “cette synthèse n’apporte pas de preuve raisonnable pour soutenir la vaccination chez les professionnels de santé pour prévenir la grippe chez les seniors de plus de 60 ans dans les EHPAD“. Et terminant sur l’importance de réaliser des essais cliniques randomisé de haute qualité pour vérifier ces informations.

En réalité, les auteurs de l’étude trouvent un bénéfice infime de la vaccination (le seul statistiquement significatif): entre 4 à 6% d’infections des voies respiratoires inférieures en moins pour les résidents des EHPAD.

À la lecture de ces informations capitales pour les recommandations de santé publique, je ne peux que saluer les doutes des professionnels de santé qui refusent de se faire vacciner, pour des bénéfices largement surestimés, et absolument pas soutenus par les plus récentes et sérieuses études scientifiques disponibles à ce jour.

Pourtant. Malgré tout, le Haut Conseil de la Santé Publique (HCSP) recommande toujours de réaliser cette vaccination.

Les avis incroyables du HCSP

Dans son avis relatif aux obligations vaccinales des professionnels de santé datée du 27 septembre 2016, le HCSP a également réalisé une bonne analyse de la littérature (en PDF). Ils ont réalisé une bonne analyse de la littérature puisqu’ils estiment que les bénéfices de la vaccination du personnel soignant ne sont pas clairement démontrés pour les risques d’infections grippales nosocomiales, et toutes les complications qui vont avec (voir la 4ème page du rapport, “concernant la grippe”.)

Malgré le fait que cette autorité de santé reconnaissance et admette l’absence de bénéfice scientifiquement démontré (en utilisant les mêmes références que nous, ouf), ils recommandent tout de même la vaccination qui “représente néanmoins le moyen le plus efficace de prévention de la grippe“.

L’incohérence, dans toute sa splendeur. L’impossible remise en question. La délicate prise de position risquée, mais scientifiquement soutenue. Il n’y a, malheureusement, rien de surprenant en ce qui concerne les nombreux avis critiquables de l’HCSP.

Heureusement, le HCSP rappelle les mesures d’hygiène de base telles que le port d’un masque chirurgical, ou bien le lavage des mains avant et après chaque soin.

Comment défendre l’indéfendable

Malheureusement, il est encore une fois triste de voir que nos plus hauts responsables politiques et scientifiques, ainsi que les directions des professionnels de santé recommandent, malgré l’absence de preuve de son efficacité, le vaccin antigrippal chez les seniors de plus de 65 ans, et chez tous les personnels soignants.

L’obligation de faire vacciner tous les soignants contre la grippe serait l’aveu de la part de nos instances dirigeantes de l’absence de réflexion logique, de l’absence de bon sens, et de l’absence d’une lecture critique et saine de la littérature scientifique. Cette littérature scientifique qui est là, ne l’oublions pas, pour aider les professionnels de santé et les décideurs a établir les meilleures recommandations de santé publique.

Vacciner à tout bout de champ contre la grippe n’est pas la manifestation du sens critique. Heureusement que la plupart des soignants des EHPAD ne se vaccinent pas contre la grippe, car ce geste est au mieux inutile, au pire dangereux, surtout si les effets indésirables sont sous-estimés, ou si les mesures d’hygiène principales sont ignorées à cause du vaccin.

Si des preuves scientifiques sérieuses et indépendantes venaient à prouver une efficacité et un bénéfice intéressants du vaccin antigrippal pour les personnes âgées vivants dans les EHPAD, nous serions les premiers à le recommander, avec insistance. Dans le cas contraire, et c’est la situation actuelle, rien ne permet de justifier un acte médical inutile qui entraîne des dépenses importantes dans les caisses de la sécurité sociale.

Personnellement, je préfère croire des synthèses et des méta-analyses sérieuses et indépendantes réalisées pour les recommandations cliniques, que les compétences d’analyses manifestement limitées de notre chère ministre de la santé.


Références

  1. Thomas, R. E., Jefferson, T., & Lasserson, T. J. (2013). Influenza vaccination for healthcare workers who care for people aged 60 or older living in long‐term care institutions. The Cochrane Library.

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1 commentaire
  1. Mon grand père (80ans) est à l’hôpital et a attrapé ce fameux virus nosocomial une semaine après que le personnel soignant ait eu son injection. Le personnel souligne son âge avancé et la raison de sa présence pour justifier une telle infection. Appelons un chat un chat: un infarctus du à de l’hypertension (qu’il a depuis bon nombre d’années) n’a rien à voir avec la grippe. Cela a certes affaibli son organisme mais la présence importante de personnes vaccinées excėcrėtantes est la base du problème. Je ne reproche pas au personnel d’avoir suivi les directives qui leurs sont données mais je souligne le fait qu’il aurait pu ne pas en revenir à son âge. Ça lui a valu tout de même deux semaines supplémentaires au service réanimation. D’autres patients ont d’ailleurs souffert du même virus sans que cela n’ait de lien avec leur pathologie initiale. Le lien entre les deux est bien évidemment éludé…

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