Accéder à des enquêtes de santé exclusives !

Inscrivez-vous gratuitement à la newsletter de plus de 10.000 abonnés et recevez plusieurs enquêtes et guides inédits (sur le sucre, les crèmes solaires, les dangers des poêles...) qui ne sont pas présents sur le blog !

Le régime de vos vacances à la loupe ?

C’est l’histoire d’un journal (Le Parisien) qui demande à 3 experts en nutrition (MM. Fricker, Lecerf et Mme Cheval) ce qu’ils pensent de plusieurs régimes amaigrissants ( DASH, acide-base, Chrononutrition, Dukan, etc.) L’un de ces régimes (végétalisme) n’est pas vraiment apprécié de la petite équipe (0,5/10) qui se fait sévèrement corriger sur Facebook par un confrère (le Dr Bernard-Pellet).

Ce confrère, visiblement énervé, est applaudi par la communauté (ses abonnées) et demande réparation (un droit de réponse).

L’histoire commence ainsi. Le Dr Bernard-Pellet fait donc valoir son droit de réponse pour rectifier les erreurs et les omissions de la journaliste, et notamment les conflits d’intérêts des spécialistes avec l’industrie agroalimentaire, que ces derniers auraient obligatoirement dû déclarer.

Mais qu’en est-il vraiment ? Est-ce que le Dr Bernard-Pellet peut-il avoir un droit de réponse ? Est-ce que les spécialistes ont vraiment bafoué le code de la santé publique à propos de leur éventuel conflit d’intérêts ? Est-ce que le Dr Bernard-Pellet appuie réellement là où ça fait mal ?

Je vais revenir sur sa lettre, je vais un peu clarifier cette situation et donner quelques idées à M. Bernard-Pellet pour mieux piquer, lors de ses prochaines joutes publiques !

Nos 3 spécialistes sollicités, qui sont-ils ?

Les voici, avec une courte bio

  • Dr Jacques Fricker, médecin nutritionniste à l’hôpital Bichat et auteur de plusieurs ouvrages sur la nutrition. Mais pas uniquement, car nous allons revenir sur son programme de régime en ligne
  • Corinne Cheval, diététicienne nutritionniste et phytothérapeute à Paris
  • Dr Jean-Michel Lecerf, que l’on ne présente plus, puisqu’il est “de renommée internationale” selon le journal et actuellement le chef du service de nutrition de l’Institut Pasteur de Lille

Et que pensent-ils du régime végan ?

“Le plus dangereux”

Au moins les choses sont claires. Avec une notre de 0,5/10, le Dr Fricker estime que ce régime essentiellement basé sur des protéines végétales peut entraîner un “risque de fonte musculaire, de fatigue accrue et de basculement dans l’anorexie“.

Pour la diététicienne nutritionniste Corinne Cheval, elle nous rappelle son expérience en cabinet avec des “patients épuisés“, détaillant que «certains n’avaient plus de force, ils perdaient leurs cheveux, étaient souvent malades.» En cause ? “La flore intestinale des adultes” selon elle.

Enfin, notre dernier spécialiste Jean-Michel Lecerf le déconseille purement et simplement “aux enfants, aux adolescents, aux femmes enceintes et aux personnes âgées.»

Le régime Dukan écope lui d’une sale note aussi: 1,5/10. Mais quand même 3 fois plus que le régime végan !

Conflit d’intérêts: “respecter la législation ainsi que la déontologie journalistique” selon Bernard-Pellet

Le Dr qui titille la journaliste à l’origine de l’article estime que “les intervenants ne présentent pas spontanément leurs conflits d’intérêts contrairement à leurs obligations légales“, et invite Le Parisien a modifier l’article en ajoutant les conflits d’intérêts des experts.

C’est bien le Dr Lecerf qui est visé. Encore lui… j’en aurais presque marre à force ! Enfin bref, à l’aide d’un article publié sur le blog personnel de Julien Venesson, le docteur spécialisé en nutrition détaille “qu’entre les dates du 10 février 2005 et du 23 juin 2017, l’Institut Pasteur de Lille, que Dr Jean-Michel Lecerf dirige, a accepté des contrats avec de nombreux industriels et lobbies de l’agroalimentaire, institution qui reçoit beaucoup d’argent de leur part.

S’il est vrai que le Dr Lecerf atteste de nombreux liens financiers et moraux avec l’industrie agroalimentaire (laitière, fromagère, charcutière, etc.), était-il contraint de les déclarer ? Non, dit la loi.

C’est bien le code de la santé publique qui régit les devoirs des professionnels de santé quand ils s’expriment dans la presse écrite, à la télé ou à la radio.

Selon l’article L. 4113-13 :

les membres des professions médicales qui ont des liens avec des entreprises et établissements produisant ou exploitant des produits de santé ou des organismes de conseil intervenant sur ces produits sont tenus de les faire connaître au public lorsqu’ils s’expriment lors d’une manifestation publique ou dans la presse écrite ou audiovisuelle sur de tels produits.

Quand un professionnel de santé s’exprime sur de la nourriture, ou un régime alimentaire par exemple, le code de la santé publique ne le contraint de parler de ses conventions avec Danone ou bien des publicités réalisées pour le compte d’un fromager. Pas de bol !

Donc non, Le Parisien n’est pas tenu par la loi de corriger son article pour rajouter les éventuels liens d’intérêts du Dr Lecerf.

En revanche, le code de la santé publique invite quand même le professionnel de santé qui s’exprime à ne pas “aliéner son indépendance professionnelle sous quelque forme que ce soit” (article R.4127-5).

Lors d’une action d’information du public, le médecin doit “faire preuve de prudence et avoir le souci des répercussions de ses propos auprès du public” (article R.4127-13).

Finalement, l’article R.4127-19 prévient que “la médecine ne doit pas être pratiquée comme un commerce. Sont interdits tous procédés directs ou indirects de publicité et notamment tout aménagement ou signalisation donnant aux locaux une apparence commerciale.

Le seul point que l’on pourrait reprocher à la journaliste selon moi, c’est d’avoir justement choisi le Dr Lecerf pour analyser un régime qui proscrit des aliments, dont il entretient des liens avec les fabricants. C’est pas très malin.

Mais ce qui est encore moins malin, et c’est dommage que Dr Bernard-Pellet n’en parle pas, c’est le commerce en ligne éponyme de Jacques Fricker pour perdre du poids, l’un des experts sollicités par le journal.

L’étrange choix du Dr Jacques Fricker par la rédaction

Je trouve réellement étonnant de choisir un docteur, quand bien même il serait le “pape” de l’alimentation, pour critiquer des régimes alors que ce dernier en propose justement un ! Le fameux “2-4-7” pour deux repas par jour (déjeuner et dîner), quatre collations par jour (pardon QUATRE collations ?) sur 7 jours.

Page d’accueil du site d’amaigrissement en ligne du Dr Fricker.

D’emblée, la question d’indépendance se pose, mais aussi de publicité. Rappelez-vous, selon l’article R.4127-19 du code de la santé publique, la médecine ne doit pas être pratiquée comme un commerce. Quand bien même je respecte la liberté d’entreprendre pour n’importe qui, les docteurs Fricker et Dukan monnaient bien leur compétence en nutrition pour faire perdre du poids.

Si vous recherchez sur internet les résultats pour “Jacques Fricker”, le premier résultat qui tombe correspond bien à la méthode Fricker: “Maigrir avec Jacques Fricker, expert en nutrition“. Voilà donc une belle publicité indirecte que le journal offre au docteur Fricker, que demandez de plus ?

Bien justement, et si on regardait d’un peu plus près le commerce du docteur Fricker ? Et ça tombe bien, car le régime proposé par le Dr Fricker a été justement étudié en détail par l’Agence sanitaire française, l’Anses, dont les conclusions sont visibles dans son rapport de 2010 (“Évaluation des risques liés aux pratiques alimentaires d’amaigrissement”).

Extrait du rapport d’expertise de l’Anses, 2010.
Extrait du rapport de l’Anses et la répartition des activités entre les experts.

Un travail réalisé par de nombreux experts, dont… le Dr Fricker lui-même. Fricker a ainsi réussi à participer à l’évaluation de son propre régime, notamment sur le fameux effet “yo-yo” et la stabilisation du poids, un miracle ou une grossière erreur d’expertise.

Ainsi, selon l’analyse de l’Anses, le régime amaigrissant Fricker (selon les différentes phases 1, 1+, 2, 2+, etc.) pourrait être trop pauvre en fibre, en fer, en magnésium et en vitamine D, et à moindre mesure en vitamine E.

Le rapport de l’Anses précise aussi que la première phase pourrait entraîner une perte de poids entre 1,5 et 2,5 kg par semaine pour un homme, soit 6 à 10 kg par mois.

Une phase durant laquelle “les protéines ont une place importante” prévient l’Anses, notamment “à base de viande, de poisson, de laitages, de fruits et d’au moins 400 g de légumes, « pauvres en glucides »”.

Moi, ça me fait tiquer un peu. D’après Le Parisien, qui donne 10 grandes recommandations pour réussir son régime, la 7ème serait de ne pas perdre plus de 4 kg par mois.

Pourtant, sur le site Medisite.fr, une présentation du régime “2-4-7” du Dr Fricker nous prévient que l’on peut “perdre entre 3 et 5 kg/mois“, tandis que l’Anses table entre 6 et 10 kg… Contradiction vous avez dit ?

Moi, à la place du Dr Bernard-Pellet, j’aurais mis cette étrangeté sur la place publique. Mais bon, je dis ça, je dis rien. D’ailleurs, ce ne serait pas la seule contradiction de l’article puisque le docteur Bernard-Pellet estime que le chef du service de nutrition de Lille se contredit en l’espace de… 12 ans.

Véganes et enceinte, aucun problème pour le Dr Lecerf ?

En 2005, il y a 12 ans donc, le docteur Lecerf aurait dit à la télévision dans l’émission Le magazine de la santé que les protéines végétales ne poseraient pas de problème dans un régime végan.

Mais plus intéressant: les femmes enceintes et véganes n’auraient également pas de problème, si on croit le Dr Bernard-Pellet sur parole, puisqu’il m’est impossible de retrouver cette émission.

Pourtant, si l’idée de contradiction paraît sympatoche à première vue, je trouve l’argument moyen. Pourquoi ? D’abord, parce qu’en 12 ans, il s’en passe des choses.

Des nouveaux articles sont publiés, des nouveaux contrats sont signés, des positions évoluent, bref, la vie quoi (on dit qu’il n’y a que les cons qui ne changent pas non ?).

Ensuite, c’est bien le docteur Bernard-Pellet qui invite la journaliste à faire l’effort de la recherche de la preuve, au lieu de l’apporter lui-même. Et on en conviendra qu’elle a probablement d’autres chats à fouetter que de fouiner dans les archives de l’INA.

L’impossible droit de réponse

Le docteur Bernard-Pellet somme la journaliste d’avoir “un droit de réponse ayant une visibilité équivalente à l’article incriminé à la fois dans les versions papier et internet“. Une demande jugée légitime par certains internautes, mais qui ne s’impose pas selon la loi. Dommage.

Dans un document en ligne proposé par “Flp Avocats“, il est bien précisé que le droit de réponse sur internet (car c’est bien de ça qu’il s’agit) s’applique à “toute personne nommée ou désignée dans un service de communication au public en ligne“.

Avec toutefois une exception notable: le droit de réponse peut être refusé s’il est possible de “formuler directement les observations […] qui les met en cause.”

En plus de ne pas avoir été explicitement ou implicitement cité dans l’article du Parisien, le docteur Bernard-Pellet dispose d’un espace de commentaire qui pourrait lui permettre de faire valoir son droit de réponse (bien que la loi n’inclue que les forums et les blogs non modérés). C’est exactement le cas pour mon blog non modéré, je ne suis pas contraint par le droit de réponse, les commentaires sont là pour ça (donc avis aux personnes citées… :p )

0,5/10 pour les véganes, par 3 personnes, c’est pas très fair-play

Au final, le constat est le suivant: beaucoup d’adeptes du végétalisme confirment les bienfaits de ce régime sur leur santé, leur forme, ou leur énergie, n’hésitant pas à sortir la carte des bodybuilders véganes champions du monde pour démolir l’argument des mauvaises protéines. Et ils ont raison de le dire.

En réalité, c’est le principe d’article qui note des régimes alimentaires grâce à l’expertise de professionnels de santé qui est plus que discutable… Bien oui ! Sur quoi se basent-ils ? Des études scientifiques, des rapports d’expertises, des faisceaux de preuves ? Des jugements ou des sentiments ? Si le Dr Lecerf nous parle bien du rapport d’expertise de l’Anses, qu’en est-il du reste ?

Ils jugent quoi au final ? Quels sont les critères ? Car il faut être honnête, si tout un faisceau de preuves scientifiques vient appuyer l’idée que le régime végétalien est bon pour la santé, il reste néanmoins à haut risque de carence s’il n’est pas correctement mené. Et si nos experts avaient pris ça en compte ? Et s’ils avaient aussi pris en compte le fait qu’on ne suit pas le régime végétalien…. pour perdre du poids !

Finalement, je dois le reconnaître, je suis un peu surpris de l’engouement de la part des abonnés du Dr Bernard-Pellet pour sa réponse, que je trouve un peu faiblarde.

Plusieurs arguments ne tiennent pas la route légalement, ça manque un peu de piquant… mais mais mais ça suffit pour faire le buzz.

Téléchargez vos enquêtes exclusives !

Inscrivez-vous gratuitement à la newsletter de plus de 10.000 abonnés et recevez plusieurs enquêtes et guides inédits (sur le sucre, les crèmes solaires, les dangers des poêles...) qui ne sont pas présents sur le blog !

7 commentaires
  1. “Ensuite, c’est bien le docteur Bernard-Pellet qui invite la journaliste à faire l’effort de la recherche de la preuve, au lieu de l’apporter lui-même. Et on en conviendra qu’elle a probablement d’autres chats à fouetter que de fouiner dans les archives de l’INA.”

    -> ben si, justement, c’est un peu la base du métier de journaliste de vérifier les infos, de chercher les preuves, de croiser les sources… Si la journaliste avait fait son travail dans son article, cela aurait probablement évité cette polémique !

    Merci à toi pour cette recherche de sources, heureusement qu’il y en a qui bossent ;)

    1. J’ai beau être avec toi sur le fait que c’est la base du métier de journaliste, la recherche de la preuve, dans cette situation, la journaliste a déjà fait son travail (que l’on peut critiquer au niveau de la profondeur de l’investigation). En tout cas, j’aurais jamais procédé comme ça, et si on m’attaque sur l’un de mes articles en me disant “Ah mais y’a un mec qui dit le contraire dans une émission”. Ah oui ? Ah bon ? Laquelle ? Citation exacte ? Je vais quand même attendre de mon contradicteur qu’il m’apporte la source exacte, la citation, un extrait de l’émission ou que sais-je… Mais c’est peut-être que mon avis ! Merci pour le com !

      1. Oui oui, tu as raison sur la faiblesse de la contradiction. Cela dit, l’article de base n’a rien d’une enquête, c’est juste le bon marronnier d’avant l’été sur les régimes, comme dans tous les magazines féminins, qui racontent majoritairement n’importe quoi, et de préférence le contraire que ce qui était écrit le mois précédent…

Répondre à Aurélie Annuler la réponse

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Tous les commentaires sont soumis à modération à priori. En postant un avis, vous acceptez les CGU du site Dur à Avaler. Si votre avis ne respecte pas ces règles, il pourra être refusé sans explication. Les commentaires avec des liens hypertextes sont sujets à modération à priori. La partie commentaire d'un article réservé aux membres peut être accessible à tous, mais les commentaires des internautes non inscrits n'ont pas vocation à être publié. Merci d'émettre vos avis et opinions dans le respect et la courtoisie. La partie commentaire sera automatiquement fermé 30 jours après publication de l'article.