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Avec plus de 145 cas dans 13 pays hors Afrique, la variole du singe emboîte le pas du SARS-Cov-2 d’une manière bien inquiétant. On fait le point.

Marshfield Clinic, Wisconsin, USA

Alors que nous n’en avons pas encore fini avec la pandémie de SARS-Cov-2 responsable du covid-19, des cas étranges d’une maladie infectieuse émergent un peu partout dans le monde.

La variole du singe ou monkeypox en anglais se retrouve exceptionnellement en dehors du continent africain avec plus de cas en une seule semaine que sur les 50 dernières années.

On retrouve des cas suspects et confirmés au Royaume-Uni (à l’origine du premier cas le 7 mai), en France, en Espagne, au Portugal, aux USA, au Canada et bien d’autres. Plus de 15 pays en dehors du continent africain seraient concernés avec plus d’une centaine de cas.

Les cas vont très probablement augmenter dans les prochains jours avec davantage de pays touchés.

Cette situation ne laisse planer aucun doute sur une transmission silencieuse sous les radars pendant un certain temps permettant une propagation étendue de la maladie dans le monde.

Plus dérangeant, mais des cas sont déconnecté de voyageurs suggérant bien une transmission locale

C’est exactement le même principe avec le SARS-Cov-2.

Avec des différences majeures cependant.

Variole du singe vs. SARS-Cov-2

  • Ce virus est connu. Sa découverte remonte à 1958 avec les premiers cas de transmission chez l’homme en 1970 (on parle des zoonoses). C’est une importante différence avec le coronavirus pandémique où nous avons la chance d’avoir des experts sur ce virus-là (1).
  • La transmission est différente. L’énorme avantage pour se propager du SARS-Cov-2 résidait dans sa propagation dans l’air par aérosol. C’est différent avec la variole du singe qui se transmet principalement par les larges gouttelettes respiratoires ou par fluides biologiques. Oui, les rapports sexuels non protégés en font bien entendu partie. Il faut donc des contacts rapprochés significatifs pour être contaminé. Assez logiquement, les premiers retours scientifiques sur le fameux taux de reproduction (R0) sont rassurants, avec un R0 compris entre 1.15 et 1.26 (2).
  • Des épidémies ont frappé par le passé. C’est le cas en 2003 où un navire transportant des animaux contaminés du Ghana a probablement déclenché une épidémie aux USA avec plus de 40 cas.
  • La variole du singe est un virus à ADN, contrairement au coronavirus responsable du Covid-19 à ARN. Cela signifie notamment qu’il est autrement plus stable avec moins d’erreurs de copies pendant la réplication. La conséquence est importante puisque cela limite la survenue de variante.

Quid des symptômes et de la létalité ?

Vous avez probablement tous vu les symptômes les plus classiques de cette variole, avec les vésicules sur l’ensemble du corps ! C’est en fait la seconde phase de la maladie, avec une poussée unique sous forme de rash (3).

Dans un premier temps la maladie peut causer des accès de fièvre, maux de tête, des douleurs musculaires, de la fatigue, des frissons et des ganglions douloureux et gonflés.

Sur la létalité, un chiffre de 10 % de létalité commence déjà à circuler sur les réseaux sociaux. S’il n’est pas faux, il concerne en réalité un clade centrafricain… qui ne nous concerne pas. L’épidémie actuelle débutante serait causée par le clade ouest-africain avec une létalité estimée à moins de 1 %.

Cette létalité est principalement estimée en Afrique dans des ruralités pauvres avec des accès aux soins autrement différents que dans les pays occidentaux. Elle pourrait donc être en réalité beaucoup plus faible.

Carte des épidémies de variole du singe en Afrique entre 2017 et 2018 avec le nombre de cas. Source : Beer EM, Rao VB (2019) A systematic review of the epidemiology of human monkeypox outbreaks and implications for outbreak strategy. PLoS Negl Trop Dis 13(10): e0007791. https://doi.org/10.1371/journal.pntd.0007791

Jusqu’à présent aucune personne n’est décédée des suites de l’infection.

Comment expliquer ces épidémies ?

L’idée qu’une rare mutation ayant rendu le virus de la variole plus contagieux est au centre de toutes les discussions… sans que nous ayons de preuve formelle.

En réalité les premières analyses du génome ne montrent pas de différence avec la souche de 2018 liés au Nigéria (4, 5). Mais des analyses plus détaillées pourraient montrer des modifications qui ont permis cette explosion de cas.

Mais dans une situation où ce virus de la variole serait identique a celui de 2018 permet de faire une miroiter un contrôle possible et efficace de l’épidémie.

Car si l’incubation est longue (environ 12 jours), et remonterait à la fin avril, le malade est contagieux durant la phase la plus symptomatique avec les vésicules sur l’ensemble du corps (qui peut durer entre 3 et 4 semaines). Il est donc possible d’isoler les malades et les cas contact durant la période la plus critique.

C’est une différence majeure avec le SARS-Cov-2 où nous étions contagieux bien avant l’apparition des premiers symptômes, et parfois même sans en développer un seul.

On parle aussi beaucoup de la communauté gay, avec une forte stigmatisation sur l’origine des foyers épidémiques. Si des pistes sérieuses permettent d’associer des foyers épidémiques avec des rapports sexuels homosexuels, cela n’en fait pas une maladie réservée à cette communauté. Loin de là (6).

On entend parler de la vaccination contre la variole pour aider le système immunitaire à lutter contre ce virus-là. Le sujet divise. À cause des doutes sur l’efficacité dans la population générale et les risques importants d’effet secondaire.

Nous n’avons malheureusement aucun traitement éprouvé contre la variole du singe.

Si ces épidémies multiples sont à prendre au sérieux en termes de santé publique, la plus faible transmissibilité du virus avec une faible létalité devrait prévenir de nombreux décès. Mais ce virus arrive dans un contexte explosif. Les professionnels de santé sont arrivés depuis bien longtemps à saturation, et devraient avoir à gérer des cas supplémentaires avec des risques de contamination à l’hôpital.

Bref, il est encore bien trop tôt pour tirer des conclusions définitives sur comment vont évoluer ces épidémies à travers le monde. Mais à la grande différence avec le SARS-Cov-2, c’est que nous avons d’importantes connaissances face à ce virus, qui s’avérerait moins transmissible et peu létal.

Une épidémie déjà prévue ?

Un document troublant circule sur le net. Un document qui montre que l’épidémie multipays d’aujourd’hui a été prédite à la semaine près un an plus tôt.

N’est-ce pas complètement dingue ? Intentionnel ? Toutes les théories fusent. Mais bien souvent, c’est l’explication la plus simple qui gagne. On parle du principe de parcimonie.

Ici, c’est une organisation à but non lucratif (Nuclear Threat Initiative, NTI) qui est à l’origine de plusieurs scénarios fictifs qui impliquent des attaques terroristes biologiques, grâce à la variole du singe.

L’objectif ? Se préparer à réagir à des scénarios catastrophes.

Mais la coïncidence est quand même incroyable. Car le premier scénario mentionne bien une attaque terroriste le 15 mai 2022 dans un pays imaginaire, la Brinia, avec des milliers de cas et plusieurs morts.

Pourquoi avoir ce virus qui nous touche aujourd’hui ? He bien c’était en réalité plutôt prévisible. Car il y a pratiquement tous les ans depuis 2017 une épidémie de variole du singe en dehors du continent africain.

J’ai parlé plus haut du continent américain en 2003, mais il y a deux précédents au Royaume-Uni en 2018 et 2021, ainsi qu’à Singapour en 2019.

Autrement dit, le risque existe bien avec une maladie où nous ne disposons d’aucun vaccin ni de traitement approuvé. Pour les seules années 2017-2018, il y a eu une dizaine d’épidémies de variole du singe sur le continent africain (7).

En réalité, la variole du singe est l’un des virus le plus surveillé et inquiétant l’OMS après l’éradication de la variole (8). D’ailleurs, on dit monkeypox alors que le réservoir principal du virus concerne les rongeurs.

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