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L’offre de Big Food. Toujours plus, toujours de la nouveauté mais jamais pour la santé publique.

Récemment, tous les maillons de la chaîne de l’industrie agroalimentaire ont été sommés de s’expliquer devant les parlementaires pour essayer de comprendre l’origine de l’épidémie d’obésité ou de diabète, plus généralement des maladies non transmissibles.

Car le rôle des industriels ne fait aujourd’hui plus de doute dans le développement d’une crise sanitaire sans précédent : la consommation excessive de produits ultra-transformés (NOVA 4 selon l’échelle de classification brésilienne), et de sodas sucrés sont étroitement associés a l’apparition de maladies métaboliques graves, et d’une inéluctable prise de poids, du développement d’un prédiabète, puis d’un diabète, d’un foie gras, etc.

Qu’est-ce que la maladie du foie gras ? La stéatose hépatique se caractérise par une accumulation de graisse dans le foie. L’évolution de cette maladie peut être très grave : vers une stéatohépatite, une inflammation chronique du foie, qui entraînera des lésions irréversibles du foie (une fibrose). D’autres évolutions plus graves peuvent arriver : insuffisance rénale ou carcinome. En savoir plus. En savoir plus.

Voici l’évolution des cellules hépatiques vers des celles saines (A), puis un foie gras (B) avec le début d’une fibrose légère, puis vers une stéatohépatite (C), plus grave et aux conséquences irréversibles.

Les produits ultra-transformés sont de plus en plus plébiscités par les consommateurs pour leur simplicité et leur attractivité. Nous avons moins de temps pour manger, moins de temps pour cuisiner, et les ménages doivent faire des choix.

Pourtant, les aliments ultra-transformés devraient être fortement limités (moins de 15%, voire 10%, des calories journalières totales) pour préserver sa santé. Peu connaissent l’impact d’une forte consommation de ces produits sur la santé.

Ces produits contiennent généralement des additifs pour permettre une longue conservation, un goût et une texture qui plairont aux consommateurs. La transformation est telle qu’il est impossible pour un consommateur lambda de fabriquer ce type de produits dans sa cuisine.

Dans le cadre de la commission parlementaire, les industriels de l’agroalimentaire, ou Big Food, ont eu l’occasion de s’exprimer. De se défendre surtout, et de rejeter la faute ailleurs.

Les réponses des industriels viennent d’être analysées par une équipe de scientifiques et chercheurs en nutrition, dont Mélissa Mialon, que l’on connaît bien dans nos colonnes, et qui travaille actuellement au département de nutrition et de santé publique de l’Université de Sao Paulo au Brésil.

Le travail de cette équipe de recherche nous montre les réponses iniques des industriels, qui n’assument pas le rôle qu’ils ont dans la dégradation flagrante de l’état de santé des Français. Parmi ces industriels, on retrouve bien sûr les fleurons de l’économie française : Danone, Fleury Michon, Bonduelle, l’ANIA (association nationale des industries alimentaires), Findus, Carrefour ou encore Leclerl.

Melissa Mialon.

Qui est Mélissa Mialon ? Chercheuse en santé publique, Mélissa Mialon travaille sur l’influence des lobbies agroalimentaires sur les nombreuses facettes de notre société : décisions politiques, impact sur la santé, etc. Elle détricote les influences de Big Food d’une manière résolument scientifique. J’ai eu la chance de pouvoir recueillir son témoignage et son analyse de la situation actuelle dans mon ouvrage Santé, mensonges et (toujours) propagande (Éditions Thierry Souccar).

“On doit être rentable”

L’analyse de l’équipe de nutrition de l’Université de Sao Paulo nous révèle que les industriels ne bougeront pas d’un iota. Ils continueront à développer toutes les stratégies possibles pour ralentir le processus législatif qui irait contre eux.

Pour le faire, toutes les stratégies sont bonnes. Mélissa Mialon et ses collègues ont résumé les réponses des industriels en trois catégories :

  • la redéfinition de la nature et de l’activité de l’industrie agroalimentaire ;
  • le cadrage du problème (épidémie d’obésité et de diabète) par l’industrie ;
  • la présentation de ses propres solutions.

Derrière cette classification se cache la réalité de Big Food : le problème ne vient certainement pas d’eux. Parmi les explications données, la rentabilité est un maître-mot avancé par les industriels. Compréhensible certes, mais qui semble faire passer les profits avant la santé publique.

Bien sûr, tous les maillons de la chaîne de production rejettent la faute sur les autres. Aucune enseigne n’y échappe. Quand les industriels n’accusent pas les autres revendeurs ou détaillants, ce sont bien sûr les consommateurs qui sont pointés du doigts. Une stratégie classique, largement utilisée par l’industrie agroalimentaire, comme Coca-Cola, mais aussi celle du plastique, pour faire peser toutes les responsabilités sur les épaules des consommateurs.

Le saviez-vous ? La fondation Coca-Cola est à l’origine d’un organisme public en France pour surveiller l’activité physique et la sédentarité des Français ? L’Onaps a reçu des centaines de milliers d’euros Coca-Cola, dénoncé dans mon ouvrage, mais aussi par l’Inspection générale des affaires sociales (Igas).

Les consommateurs sont responsables

Le Groupe Bertrand par exemple affirme qu’il remplit son rôle en offrant des salades et des légumes en alternative aux burgers industriels. Le choix reviendrait ensuite aux consommateurs, et tant pis pour eux, si dans la majorité des cas, ils font les mauvais choix diététiques. Une vision de la situation qui occulte les stratégies marketing agressives sur les produits ultra-transformés, et la saturation des étals de magasin avec ce type de produits.

Big Food botte en touche dans sa responsabilité de l’épidémie de maladies non transmissibles aujourd’hui notamment en plaidant qu’elle se transforme déjà. Qu’elle répondrait depuis un certain temps aux attentes des consommateurs et des autorités.

Malheureusement, ce n’est un leurre qui avait été épinglé et dévoilé dans mon ouvrage Santé, mensonges et (toujours) propagande (éditions Thierry Souccar). Les “améliorations” des industriels au niveau des formulations n’apportent significativement aucun bénéfice pour la santé des consommateurs, et se limitent à une extrême minorité de l’offre. Mais la stratégie est payante, car elle permet de montrer que l’industriel s’investit et fait quelque chose, et permettrait ainsi de limiter le risque de voir des lois contraignantes apparaître.

Findus se félicite d’ailleurs d’avoir signé avec le Gouvernement et le PNNS (Programme national nutrition santé) des chartes d’amélioration volontaires des produits. Une vaste escroquerie dénoncée dans Santé, mensonges et (toujours) propagande.

Aussi surprenant que cela puisse paraître, on apprend dans ce travail d’analyse que l’ANIA, le lobby de l’industrie agroalimentaire en France, reconnaît que “la lecture des étiquettes de denrées alimentaires peut s’avérer un peu complexe aujourd’hui, renchérissant, que cela est en partie dû au fait que nous devons tenir compte de la réglementation européenne qui impose de présenter ces boîtes d’informations.”

Pourtant, l’ANIA a été l’artisane d’une campagne colossale de lobbying pour empêcher la naissance du Nutriscore (les feux tricolores), et du développement de ces propres logos, peu informatifs, mais qui ne stigmatisent aucun de ses produits. Il est certain que le Nutriscore, qui possède ses limites, ne sera pas la solution à tous nos problèmes, mais il a le mérite d’exister et d’apporter un visuel clair sur les emballages pour faire un premier tri.

Les industriels confirment aussi leur implication dans l’éducation des consommateurs pour faire valoir les bonnes habitudes alimentaires. Ainsi, Danone confirme son action d’information auprès des jeunes avec son programme Clémentine dans les cantines scolaires, lui permettant d’avoir un accès privilégié avec cette sensible tranche d’âge.

Une initiative louable, mais qui cache une réalité plus sombre : maintenir une présence le plus tôt possible avec des supports de cours et d’informations produits par ses services, sujets à des interprétations douteuses de la littérature scientifique.

D’après les auteurs de cette analyse, la conclusion est limpide :

“Nous concluons que la rhétorique des acteurs de l’industrie dans leurs soumissions à l’enquête pourrait avoir une influence négative sur l’évolution des politiques de santé publique en France : elle pourrait ralentir le processus législatif et conduire à l’adoption de solutions inefficaces.”

Le travail de cette équipe se veut donc informatif et éducatif pour les décideurs politiques. Ils rajoutent :

“Nos résultats pourraient aider les décideurs, les professionnels de la santé publique et le public à mieux distinguer les récits présentant un intérêt valable pour la santé publique de ceux ne servant que les intérêts des acteurs de l’industrie alimentaire”

Jamais nous n’avions eu autant besoin de mieux contrôler et réglementer l’industrie agroalimentaire pour essayer de freiner cette terrible épidémie de maladies non transmissibles. Une épidémie qui coûte des milliards à la société en termes de soins, d’arrêt de travail et maladie, et qui impacte négativement la qualité de vie d’une partie de plus en plus grandissante de la population.


Référence

Melissa Mialon, Jonathan Mialon, Giovanna Calixto Andrade & Moubarac Jean-Claude (2019): ‘We must have a sufficient level of profitability’: food industry submissions to the French parliamentary inquiry on industrial food, Critical Public Health, DOI: 10.1080/09581596.2019.1606418

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2 commentaires
  1. Bonjour Jérémy,

    Merci pour cet article qui fouille les poubelles de big mal bouffe et nous éclaire sur sa perversité.

    Pour avoir travaillé dans l’agroalimentaire je connais les escroqueries faites en remplaçant notamment la viande par de la graisse lorsque cette dernière permettait de faire partir une commande pour la grande distribution et avec les mêmes étiquettes cela va sans dire.

    Pourtant un contrôleur qualité officiait au sein des entreprises.

  2. La responsabilité des Big Foods ? Oui, bien sûr ! Ils veulent vendre toujours plus, c’ est NORMAL ! Ce qui n’ est PAS normal, c’ est l’ inaction des autorités sanitaires et politiques .
    Ce que j’ exigerais , moi :
    – interdiction de toute pub pour les sodas et les aliments glucidiques : barres, snacks, viennoiseries bonbons etc …
    – institution d’ une TVA à 200 % de tous ces sodas et aliments à base de farines et sucre .

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