450 médicaments essentiels… dont l’origine est obscure et la pertinence critiquée de toute part. On retrouve des médicaments inutiles et dangereux, des doublons quand de nombreux traitements importants sont passés aux oubliettes.
Cette liste n’a pas manqué de faire réagir (1). En mal. Le gouvernement a sorti d’un chapeau une liste de médicaments essentiels pour faire face aux pénuries et assurer la prise en charge des malades.
Mais pourquoi faire une telle liste ?
Le projet de base est plus que louable. Car les malades en France peuvent subir des pertes de chance à cause d’une pénurie médicamenteuse, orchestrée par les laboratoires eux-mêmes. On a compté plus de 3 700 pénuries de médicaments en 2022 (2).
Ces pénuries ont des origines multiples dont la racine vient des décisions stratégiques des laboratoires pharmaceutiques avec des conséquences parfois graves pour les malades.
Dans une émission réalisée par Médiapart (3), la pneumologue Irène Frachon qui a dénoncé le scandale du Mediator, précise que ces pénuries entraînent des « choix parfois non satisfaisants, avec par exemple la prise d’un antibiotique non adapté pour les patients ».
Sauf que cette liste a été faite en catimini, dans le dos des autorités sanitaires officielles (ANSM, HAS) et des sociétés savantes qui représentent tous les corps médicaux en France.
Cette liste aurait été produite en l’absence d’une méthode claire, sans argumentation scientifique ni gestion des conflits d’intérêts des personnes qui en sont à l’origine.
La revue française médicale Prescrire, indépendante des pouvoirs publics et des laboratoires pharmaceutiques, estime que cette liste comprend « des médicaments inutiles, voires à écarter des soins » tout en oubliant certains qui sont « réellement essentiels dans de nombreuses situations de soins courantes » (4)
L’association médicale trouve des redondances avec des médicaments aux effets très proches qui témoignent d’une sorte de précipitation dans la création de cette liste, mais aussi d’un amateurisme sans méthode multidisciplinaire.
La liste n’a pas été créée en partant de l’utilisation réelle des médicaments par les praticiens.
Essentiel versus inutile et dangereux ?
Des exemples frisent avec le ridicule et montrent l’absence de concertation avec les spécialistes des domaines concernées.
Le traitement de la tuberculose, par exemple, nécessite plusieurs médicaments co-administrés alors que la fameuse liste n’en propose un seul.
Alors qu’il manque des médicaments comme la ventoline (salbutamol), on retrouve une multitude d’antidépresseurs dont plusieurs qui devraient être écartés de l’offre de soin selon Prescrire et les spécialistes du domaine.
Les exemples d’incohérences foisonnent.
Mais aussi des cas qui défient peut-être la raison, comme le viagra. Oui, le médicament produit par Pfizer pour subvenir aux problèmes d’érection de la gent masculine fait partie des médicaments essentiels qui ne devraient jamais subir de pénurie.
Pfizer fait partie des grands gagnants de cette liste, notamment pour les statines qui permettent de faire baisser le mauvais cholestérol pour prévenir les décès par infarctus du myocarde. On retrouve ainsi 4 statines dans la liste gouvernementale.
On retrouve en bonne place dans cette liste les gliptines dans le traitement oral du diabète de type 2. Ces inhibiteurs d’une enzyme spécifique (dipeptidylpeptidase-4) ne font pourtant pas partie des meilleures options thérapeutiques à notre disposition.
Au contraire. De nombreuses revues systématiques de la littérature montrent l’absence d’efficacité de cet inhibiteur (pour le diabète ou des maladies cardiovasculaires) qui peut causer de graves inflammations aiguës du pancréas (5, 6, 7, 8)
Le gouvernement a promis de faire évoluer cette liste et montre ainsi sa manière de fonctionner : à l’envers. C’est devant la levée de bouclier des professionnels du médicament et de la santé que le Gouvernement veut bien faire marche arrière et concéder un travail préliminaire.