Les études en cancérologie souffrent d’importantes limitations. On revient sur l’une d’entre elle : l’utilisation de soin de référence non optimal dans les groupes contrôles, qui favorisent les traitements des firmes.
Cancer et la difficile évaluation des traitements
J’avais fait un point complet dans mon dernier livre « Santé, mensonges, et (toujours) propagande » sur le scandale des nouvelles thérapies autorisées contre le cancer.
Des thérapies qui dans leur vaste majorité n’apportent pas ou peu de bénéfice pour les patients après une évaluation en condition réelle.
Le gendarme du médicament européen n’a ni les moyens ni l’indépendance pour exiger des études cliniques plus rigoureuses, avec des critères de réussites plus pertinents qui se traduisent par de réelles avancées pour les malades.
Comme je vous l’avais dit dans ce chapitre explosif, les manipulations sont nombreuses :
- On sélectionne avec beaucoup d’attention les participants, qui seront préférés jeunes et plutôt en bonne santé, alors que les cibles réelles de ces traitements s’en éloignent beaucoup
- On utilise des critères d’évaluations imprécis, indirect qui révèlent des écarts majeurs en utilisation réelle sur la survie des malades
- Les nombreux liens d’intérêts des chercheurs et les financements quasi systématiques des firmes pharmaceutiques sont aussi des points gênants
Traitements contre le cancer : les raisons d’une intolérable inefficacité
Un gendarme du médicament qui n’est pas indépendant, des études cliniques peu rigoureuses et peu contrôlées avec des patients savamment choisis… voici les principales raisons de l’absence dramatique d’efficacité de nombreux traitements contre le cancer.
Des groupes contrôles défavorisés
Dans mes enquêtes, je cite à de nombreuses reprises le chercheur Vinay Prasad, une véritable star de l’oncologie et redresseur de tort dans la qualité des investigations cliniques et la transparence de l’industrie pharmaceutique.
Vinay Prasad est l’auteur de nombreuses publications corrosives qui montrent au grand jour les supercheries scientifiques et les graves problèmes dans l’évaluation clinique (cancer et autres).
Il est très présent sur Twitter où ces analyses sont prisées, et aussi l’auteur d’un ouvrage à sensation « Medical Reversal ».
Quand on parle cancer et qualité de la preuve, le nom du docteur Prasad n’est jamais bien loin.
Justement, il est à l’auteur de deux récentes publications avec plusieurs autres coauteurs qui montrent de nouvelles facettes de manipulations dans la conduite d’études cliniques sur le cancer.
Il confirme aussi la pente dangereuse prise par la majorité des études cliniques sur le cancer que je dénonçais dans mon livre paru aux éditions Souccar.
La première étude s’est intéressé à la qualité des groupes contrôle dans le traitement d’un cancer bien précis, le myélome multiple, qui on appelle aussi « maladie de Kahler » (1).
Ce cancer touche des globules blancs précis du système immunitaire, et ne connaît aucun traitement curatif, malheureusement (2).
L’objectif de cette investigation était de savoir si les patients admis dans les groupes contrôles recevaient bien les meilleurs traitements actuellement à disposition.
Car pour évaluer une nouvelle thérapie, un groupe devra prendre le médicament a évaluer et l’autre groupe, contrôle ou témoin, devra recevoir les soins standards de référence.
Si la nouvelle thérapie ne montre pas de supériorité aux soins standards, alors elle n’intégrera probablement pas les nouvelles lignes de traitements.
Mais voilà. C’est dans ces fameux soins standards qu’il y a un loup.
L’équipe de chercheurs avec Vinay Prasad a montré que sur les 49 études cliniques menées sur le myélome multiple :
14 % ont utilisé des traitements de référence (soin standard) dépassés dans les groupes contrôles et moins efficaces connus avant la conduite de l’étude
18 % ont continué d’utiliser des soins standards sous-optimaux malgré la publication de nouvelle référence médicale, sans modification du groupe contrôle
Autrement dit, ces groupes contrôles étaient par nature défavorisés avec des soins standards sous-optimaux qui peuvent artificiellement gonfler l’efficacité des nouvelles thérapies étudiées.
Et c’est là où les compétences du docteur Prasad et de ses coauteurs en tant que « cliniciens-enquêteurs » s’avèrent essentiel.
Car ils ont voulu savoir si la création de ces groupes contrôles sous-optimaux était une erreur de bonne foi. Pour essayer de le savoir, ils ont comparé la liste des auteurs des études cliniques qui utilisent des groupes problématiques avec celle des auteurs des études qui établissent de nouveaux standards.
Les résultats sont saisissants, car entre 10 et 90 % des auteurs qui ont mis en place des essais cliniques avec des groupes sous-optimaux étaient des investigateurs des études ayant montré la sous-efficacité des soins standards.
Vous comprenez ? Cela signifie que ces chercheurs-là ne pouvaient décemment pas ignorer les résultats de leur propre recherche qui auraient dû nécessairement les inviter à changer les traitements des groupes contrôles.
Des pratiques qui se généralisent
L’étude de Vinay Prasad est la première de ce genre. Elle se concentre uniquement sur le cas des myélomes multiples, mais nul doute que d’autres analyses de ce genre risquent d’arriver sur d’autres cancers, et maladies.
Dans le même temps, une seconde publication avec toujours le Dr Prasad parmi les auteurs propose de faire le point sur l’évolution des essais cliniques randomisés (RCT) en oncologie (3).
Les résultats de cette étude se sont portés sur près de 300 RCT sur le cancer du sein, du côlon-rectum et des poumons à cellules non petites (un terme relativement étrange pour parler des adénocarcinomes, des carcinomes à cellules squameuses, et des carcinomes à cellules géantes).
Et voici les principaux résultats de l’étude :
- L’utilisation de critères substitutifs, des raccourcis (comme la survie sans progression de la maladie) est passé de 0 % (entre 1995 et 2004) à 18 % (entre 2005 et 2009) puis à 42 % (entre 2010 et 2020) des études sur le cancer du sein, du côlon-rectum et des poumons
- Parmi les 298 études analysées, le gain en survie était en moyenne de 3,4 mois et de 2,9 mois pour la survie sans progression de la maladie
- Plus du tiers des études cliniques analysées ont fait appel à des rédacteurs médicaux professionnels pour les coucher sur papier les résultats et les analyser
- 90 % des études cliniques ont été financées par l’industrie pharmaceutique
On remarque donc bien une généralisation de l’utilisation des raccourcis et des critères substitutifs en oncologie avec le risque de voir autoriser des thérapies qui n’apportent aucun bénéfice pour les malades, en condition réelle d’utilisation.
Ces travaux renforcent le besoin conséquent d’améliorer le contrôle de la qualité des publications en oncologie ainsi que la gestion des autorisations de mise sur le marché par le gendarme du médicament.
3 commentaires
Te voilà devenu redresseur de tords. Bravo et merci.
Donc vous n’acceptez pas les études bidouillées pour le cancer mais pour la covid ca ne vous choque pas (ivermectine, hydroxychloroquine ….)
Bonjour Yann,
Votre commentaire est intéressant, mais il le serait encore plus s’il était sourcé.
De quelle étude parlez-vous précisément pour le cas de l’ivermectine ou de l’hydroxychloroquine ?
Avec des détails et des exemples qui soutiennent vos affirmations, nous pourrons débattre sur ce sujet :)
A lire vos explications,