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© Ryoji Iwata | Unsplash

Si vous avez déjà entendu parler des fameuses études en « aveugle » sans vraiment savoir de quoi on parle, vous aurez toutes les réponses à vos questions dans cet article.

L’évaluation clinique et l’aveugle

Le plus populaire dans une étude scientifique, ce sont ces résultats. Parfois positifs ou négatifs, ce sont bien eux qui font couler beaucoup d’encre.

Ils permettent d’écrire des unes de presse spectaculaire. Des titres-chocs qui alimentent des débats sur le rôle plus un moins contesté d’un médicament ou d’un régime alimentaire sur la santé.

La crise sanitaire de covid-19 a amplifié ce phénomène avec une attention médiatique et citoyenne hors du commun sur la communauté scientifique, et ses résultats.

J’ai pu vous expliquer dans le détail les différences majeures entre les études publiées et les prépublications qui ont littéralement explosé avec la pandémie. Si ces petites particularités sont bien connues des scientifiques et professionnels du milieu, la population générale peut facilement s’y perdre.

Nous avons donc une responsabilité certaine dans le partage de ces informations scientifiques, en essayant de vulgariser des concepts-clés en recherche biomédicale (mais pas uniquement ce domaine) pour nous forger un avis critique plus complet.

Et « l’aveugle » ou le « masquage » dans les études fait partie de ces petits « détails » en recherche biomédicale qui ont une grande importance dans la fiabilité des résultats.

Comprendre les différents niveaux de preuves scientifiques

En science, toutes les études ne se valent pas et apportent chacun des niveaux de preuve différents. Elles possèdent des structures et des compositions différentes qu’il faut connaître pour mieux maîtriser la valeur d’une étude scientifique. Explications.

A lire ici

Qui masque-t-on ?

Ici on ne parle pas des personnes qui ont des problèmes de vue, et c’est pour cette raison qu’on préférera le terme « masquage » pour les études en ophtalmologie, mais d’une procédure qui vise à « cacher » des informations-clés à trois grands groupes d’individus :

Attention. J’utilise le mot « cacher » entre guillemets, car on ne cache rien aux participants. Ils savent qu’ils auront peut-être le traitement ou un placebo par exemple, et sont prévenus de tous les tenants et aboutissants de ce travail.

  • Les participants. Bien souvent, les patients représentent le cœur d’un essai clinique et sont souvent divisés en deux groupes qui ne connaissent pas le traitement qu’ils prennent (dont un placebo ou non).
  • Les investigateurs. Ce sont les scientifiques et médecins qui sont généralement au contact des participants et apportent les traitements ou soins évalués et peuvent prendre des décisions importantes (hospitaliser, faire des soins, ou exclure un participant). Si masquage il y a, les investigateurs réaliseront ces mêmes actions sans savoir quel patient prend quel traitement.
  • Les évaluateurs. Dans certains essais cliniques, un groupe indépendant des investigateurs (on parle des assessors en anglais) est en charge de recueillir les données stratégiques (les outcomes en anglais). Ces derniers aussi peuvent être « aveuglés » ou non sur la distribution des traitements.

Généralement, les investigateurs et les participants sont maintenus en aveugle avant et pendant la durée de l’essai clinique.

On parlera alors des fameux essais cliniques en double aveugle (double blind en anglais) faisant référence à cette procédure.

On peut aussi avoir des études cliniques en quadruple aveugle où les statisticiens en charge des analyses et indépendants des investigateurs seront « aveuglés » et réaliseront leurs analyses sans connaître la nature des groupes.

Parfois, c’est l’officier en charge de la collection des données de l’essai qui peut être rendu aveugle. Tout est possible.

Pourquoi rajouter de l’aveugle ?

Nous sommes soumis à des biais cognitifs puissants et omniprésents, peu importe que l’on soit bien ou mal intentionné. Là n’est pas la question.

Face à des évaluations cliniques parfois importantes et soumises à d’importantes pressions, les investigateurs, les patients ou les évaluateurs peuvent prendre des décisions impartiales et biaisées.

C’est particulièrement vrai pour les objectifs flous ou « mous ».

C’est quoi un objectif mou en recherche clinique ?

L’hospitalisation par exemple. Sans détail supplémentaire, n’importe quel investigateur pourra décider d’hospitaliser un patient ou non, et donc modifier le résultat final et l’efficacité d’un traitement.

C’est problématique si l’investigateur sait qu’en hospitalisant ce patient-là, parce que bon, on peut l’hospitaliser après tout, il démontrera que son traitement fonctionne ou l’inverse.

Je vous parlais il n’y a pas si longtemps du cas de Zelenko avec l’azithromycine et de son étude sur l’efficacité du traitement. Il avait justement choisi comme critère d’efficacité “l’hospitalisation”, sans aveugle, avec des résultats très favorables pour le groupe traité.

Si les résultats sont plutôt spectaculaires pour l’azithromycine, la méthode est fragile, et laisse le champs libre aux biais cognitifs.

Une analyse rigoureuse des preuves scientifiques sur cet antibiotique ne montre pas de bénéfice flagrant sur la mortalité.

On peut aussi faire le parallèle avec les fameuses expériences du riz et des intentions avec les moisissures. Bien souvent, l’aveugle n’est pas respecté (les étiquettes sont visibles) et les expérimentateurs évaluent la réussite de l’expérience sans critères durs (le plus moisi) et limite dans le temps. J’en parle avec force de détail dans la récente enquête dédiée à cette expérience, et les cristaux d’Emoto.

 

À l’opposé, évaluer un traitement sur la mortalité est autrement plus solide, car la mort n’est plus subjective et soumise à des biais d’interprétations. Un mort est un mort. On parle de critère plus dur.

C’est pour cette raison que les objectifs plus subjectifs, dont je parle souvent, doivent impérativement être bien décrits et bien encadrés pour éviter les dérives surtout si les investigateurs et les évaluateurs ne sont pas aveuglés.

Il y aura bien sûr des situations où l’aveugle ne pourra pas être réalisé. En dentaire par exemple, évaluer l’effet d’un appareil dentaire contre autre chose sera impossible d’aveugler pour les participants.

Ou bien pour évaluer des huiles essentielles avec des odeurs très particulières impossibles à masquer, comme pour le cas de l’insomnie.

D’après la littérature scientifique, le plus important serait de masquer les groupes aux évaluateurs des objectifs. Car on sait que l’absence d’aveugle ira dans la majorité des cas favoriser l’effet du traitement évalué.

Voici un petit récapitulatif des bénéfices du masquage ou de l’aveugle en fonction des groupes.

Chez les participants à l’étude :

  • Ils seront moins susceptibles d’avoir des réactions psychologiques ou physiques biaisées par rapport à l’intervention. Concrètement, en prenant l’exemple des vaccins, on s’est rendu compte que les groupes témoin soumis à des injections salines, sans aucun principe actif, développeront tout de même des céphalées, des douleurs au bras et parfois des fièvres…
  • Ils seront plus susceptibles de suivre les interventions de l’étude
  • Ils seront moins susceptibles de quitter l’étude prématurément et modifier leur intervention avec des traitements non étudiés

Chez les investigateurs :

  • Ils seront moins susceptibles d’avoir des comportements différents envers les patients en fonction des traitements
  • ils seront moins susceptibles d’ajuster les doses de manières différentes
  • Ils seront moins susceptibles d’encourager ou décourager les participants de continuer l’expérience

« Faites ce que je dis, mais pas ce que je fais ! »

Derrière ce célèbre dicton que tout le monde connaît bien, se cache une réalité médicale avec le respect de l’aveugle.

Car on peut préciser dans une étude avoir respecté une procédure en aveugle, sans l’avoir véritablement fait. Mais comment peut-on le savoir ?

Une étude scientifique doit décrire la méthode utilisée. Si aveugle il y a, la méthode employée doit être précisément décrite pour pour être étudiée. En l’absence de description claire, ou mettant en évidence des failles, l’aveugle n’est peut-être pas garantie.

Pourtant, l’étude pourra séduire des décideurs ou des cliniciens qui s’arrêteront au titre mentionnant « double aveugle » alors que la méthode est douteuse.

C’est pour cette raison que la seule mention de l’aveugle dans une étude doit être minutieusement étudiée pour en vérifier sa qualité.

C’est bien entendu la même chose pour la fameuse randomisation ou répartition aléatoire des participants. On peut parfaitement dire qu’on a fait une « étude randomisée » sans donner de détail sur le processus de randomisation.

Pour conclure cet article, l’aveuglement ou le masquage des grands acteurs de la recherche scientifique (participants, investigateurs et évaluateurs) est une garantie supplémentaire de la fiabilité d’une étude.

Ce n’est pas une protection ultime, irréprochable et parfaite contre les nombreux biais. Ne cédons pas au sophisme de la solution parfaite. C’est simplement un critère de plus qui, s’il est bien fait et respecté, renforce la fiabilité des résultats d’une étude.

Une étude clinique sans aveugle s’appellera bien souvent « open label ».

Vous connaissez désormais toutes les implications du masquage ou de l’aveugle dans le recherche clinique.

 

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