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Alors que l’Inde apparaissait comme peu touchée par le covid-19 avec 400.000 morts, plusieurs études estiment les décès entre 3 et 4 millions durant les deux vagues épidémiques.

© Parker Hilton | Unsplash

[MAJ] Ces études qui alourdissent le bilan

[MAJ novembre 2021] 

Depuis la publication de cet article le 22 juillet 2021, de nouvelles études sont venues apporter de l’eau au moulin.

Trois prépublications scientifiques (2, 3, 4), qui peuvent être aussi bonnes que mauvaises, viennent confirmer plusieurs points :

  1. Les décès liés au Covid-19 en Inde sont indéniablement sous-estimé. Toutes ces études s’accordent pour le dire.
  2. Le débat porte essentiellement sur les méthodes d’analyses et d’estimations de ces décès
  3. Les chiffres varient d’un facteur 7 à 10

Ainsi, plusieurs mois après les premiers éléments objectifs, nous avons plusieurs études qui confirment que le bilan officiel de l’Inde n’est probablement pas le bon.

[MAJ 10 janvier 2022] 

Une nouvelle étude vient d’être publié dans le journal Science sur cette histoire de décès en Inde (5).

L’estimation faite par cette équipe de chercheurs canadiens et indiens est de 3,2 millions de décès à cause du Covid-19. Soir près de 7 fois plus que les chiffres du gouvernement indien.

Une nouvelle étude qui vient confirmer les nombreuses estimations scientifiques et renforcer l’hypothèse d’une sous-déclaration très importante des décès dans ce pays.


Un bilan 10 fois plus lourd ?

Une récente étude américaine menée par trois scientifiques de l’Université d’Harvad et du Centre pour le Développement Global s’est penchée sur les décès de Covid-19 en Inde (1).

Les résultats de leurs estimations font froid dans le dos.

Le décompte officiel des décès pourrait être très largement sous-estimé, avec des ordres de grandeur catastrophiques.

Si le bilan actuel est d’environ 400.000 décès, ces scientifiques estiment qu’ils pourraient être en réalité compris entre 3.4 et 4.9 millions de décès, faisant de l’Inde l’un des pays les plus durement touchés par la crise.

La sous-estimation des décès en Inde n’est pas vraiment une nouveauté.

Nous savions depuis le début de la crise que les remontées officielles des cas et des morts ne sont pas parfaites dans ce vaste pays riche de plus d’un milliard d’habitants et de plusieurs états.

Récemment l’état du Bihar, peuplé de près de 100 millions d’habitants, avait donné le « la » autour des doutes sur les estimations réelles.

Du jour au lendemain, et après avoir recompté ses morts, l’état ajoute 6.000 morts dans le décompte officiel.

À ce jour, c’est le seul état qui a proposé une mise à jour officiel.

L’estimation la plus rigoureuse possible des décès est pourtant extrêmement importante. Pour comprendre les propriétés du virus, pour adapter les politiques sanitaires, et les traitements à l’échelle d’un pays.

Car l’Inde est au centre d’une intense controverse médicale sur le Covid-19.

Elle est largement montrée en exemple pour la faible létalité du virus en lien avec l’utilisation de médicament repositionné, comme les célèbres hydroxychloroquine et ivermectine.

Le Gouvernement indien a toujours adopté une position défensive face à ce sujet très sensible. Normal, il défend ses méthodes de décompte et relativise les estimations catastrophiques.

Entre 3 et 5 millions de décès

Les auteurs de cette étude ont réalisé trois estimations différentes pour obtenir des chiffres sur la mortalité excessive en Inde depuis le début de la crise.

  1. Une extrapolation sur la base des registres civils de 7 états, rapportant une surmortalité de 4.3 millions
  2. En appliquant les taux de mortalité par infection, les fameux IFR pour infection fatality rate, avec la séroprévalence en Inde. Cette méthode rapport une estimation plus importante autour de 4 millions de décès
  3. Finalement, une estimation basée sur des sondages réalisés chez plus de 800.000 Indiens présents dans tous les états du pays qui rapporte une surmortalité de l’ordre de 4.9 millions de décès

Les auteurs rappellent que ces estimations ont toutes des limites et présentent des fragilités. Ce sont des estimations basées sur des modèles à défaut d’avoir des retours officiels complets et fiables.

Ces estimations permettent avant tout de réaliser que l’ampleur de la crise de Covid-19 en Inde a été sous-évaluée.

Les récits et témoignages de la population et des soignants étaient pourtant éloquents. Des situations de guerre, où les hôpitaux manquaient de tout : de lit, d’oxygène, de personnels et de médicament.

Les analyses de ces chercheurs nous rappellent que les décès auraient été sous-estimés lors de la première et la seconde vague.

Des vagues de contaminations et de décès probablement à l’origine de l’émergence du nouveau variant Delta, préoccupant dans le monde entier.

Les auteurs de cette analyse confirment les importants intervalles de confiance dans les estimations de la mortalité, variant d’un million de décès à plus de 6 millions.

Pour eux le plus probable réside aux alentours de 3 à 4 millions de surmortalités durant la période épidémique.

Ivermectine : l’assassinat en règle de l’OMS

C’est officiel, l’Organisation Mondiale de la Santé vient de mettre fin aux espoirs d’autorisation globale et massive de l’ivermectine pour traiter la Covid-19. L’agence appelle à mener de plus larges et rigoureux essais cliniques.

Inde : l’exemple trompeur ?

La réalité de l’impact de la pandémie de covid-19 en Inde mérite de profonds et importants éclaircissements.

C’est indéniable.

Car l’Inde a été le théâtre d’une importante campagne de communication en défense de traitements controversée contre la covid-19.

L’hydroxychloroquine dans un premier temps, puis l’ivermectine dans un second temps.

Les chiffres de mortalité très flatteurs de l’immense pays venaient conforter les défenseurs de l’ivermectine de son efficacité en condition réelle.

Nous n’avions pourtant jamais eu d’étude sur le lien entre l’ivermectine et les décès dans les états indiens.

Non.

Uniquement des interprétations grossières et délicates de courbes avec des déclarations dans la presse qu’une distribution d’ivermectine serait faite.

On peut difficilement faire plus flou et vague. Or, cette nouvelle analyse qui produit des estimations dramatiques vient mettre à mal l’ensemble de la sphère qui défend mordicus l’ivermectine.

L’Inde aurait en réalité subi de plein fouet deux vagues épidémiques, avec ou sans ivermectine.

Cette analyse inquiétante de la situation indienne arrive au plus mauvais moment pour l’ivermectine.

Une récente étude randomisée en double aveugle chez plus de 500 participants n’a montré aucun bénéfice de l’antiparasitaire pour réduire la charge virale, les symptômes, les hospitalisations et les décès.

Mais l’ivermectine a dû affronter un autre revers.

L’une des études les plus citées et les plus favorables (celle d’Ahmed ElGazzar) a été rétracté par les éditeurs.

Pour quelles raisons ? De sérieux doutes de falsifications de donnée et de manquement éthiques.

Cette étude avait un poids important dans toutes les méta-analyses publiées jusqu’à présent.

Au final, l’exemple indien nous rappelle la prudence que nous devons avoir dans l’interprétation à la va-vite de courbes de mortalité non vérifiée.

Evitons de sombrer dans les associations vacillantes que l’on peut faire avec des médicaments.

Chaque jour qui passe nous apporte de nouvelles surprises et découvertes sur cette pandémie. Espérons que nous puissions dessiner un tableau plus réaliste et complet de la situation en Inde et dans le monde.

Avec l’objectif d’apporter les informations les plus sûres à la population.

Et d’éviter de faire une propagande aveugle de traitement non suffisamment éprouvé.

Car avec ces estimations, le bilan indien serait l’un des pires de la planète.

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6 commentaires
  1. Salut Jérémy,

    Pour la grippe, voici un article qui explique à quel point c’est difficile d’estimer la cause réelle de la mort d’un malade :

    https://sante.lefigaro.fr/article/la-surmortalite-cet-hiver-plus-importante-lors-de-la-derniere-grande-epidemie-de-grippe/

    Extrait :

    “Par ailleurs, la grippe n’est pratiquement jamais la cause immédiate de décès. Bien souvent, les médecins ne savent même pas que le défunt était porteur du virus, ce n’est donc pas inscrit sur le certificat. Chez les personnes âgées touchées par la grippe, l’essentiel des décès survient avec retard par rapport à l’infection grippale, soit parce que des bactéries profitent de la faiblesse du patient pour le surinfecter, soit à la suite des décompensations liées à un état général précaire. Dans ce cas, la grippe n’est souvent pas mentionnée sur le certificat de décès. La comptabilité funèbre des victimes de la grippe n’est donc pas facile à tenir.”

    Par contre, voici la définition de la mort due au Covid selon l’OMS :

    https://www.who.int/classifications/icd/Guidelines_Cause_of_Death_COVID-19-20200423_FR.pdf?ua=1

    Extrait :

    “La Covid-19 doit être inscrite sur le certificat médical de décès pour toutes les personnes décédées lorsque cette maladie a causé ou contribué au décès, ou est soupçonnée de l’avoir fait.”

    Pour la grippe, on sent que c’est plutôt une sous-estimation qui en est faite alors que pour le Covid, dès la suspicion, c’est open bar.

    Tes articles sont toujours soigneusement étayés de chiffres incontestables et incontestés tant tu prônes la rigueur; celui-ci contient pas moins d’une dizaine de mots appartement au champ lexical du doigt mouillé : “une étude estime”, “le décompte officiel des décès pourrait”, “ces scientifiques estiment qu’ils pourraient être en réalité compris”, “Les auteurs rappellent que ces estimations ont toutes des limites et présentent des fragilités”, “Les analyses de ces chercheurs nous rappellent que les décès auraient été sous-estimés”, “Pour eux le plus probable réside aux alentours de”, “cette nouvelle analyse qui produit des estimations dramatiques”, “L’Inde aurait en réalité subi”, “Car avec ces estimations, le bilan indien serait”…

    Nous sommes à J-1 de la journée mondiale de l’Ivermectine lancée par T.Lawrie, autant d’articles sur la présomption d’inefficacité de l’Ivermectine en si peu de jours est-il totalement fortuit ? Je classe cet article dans le rayon des “il était une fois” et j’aurais préféré que tu accordes autant de contestation quant à la faiblesse des indicateurs de l’Ivermectine qu’au conditionnel inondant chaque phrase de ton article.

    Au sujet du RCT du Brésil chez les 500 participants, j’ai demandé aux auteurs de m’envoyer leurs données brutes, incroyable mais vrai, l’auteur m’a répondu :
    Moi :
    I would like you please to share, if possible, raw table in order to find out which person (= which profile of course, age, weight… no identity) received which dose and who has been hospitalized or not.
    I just would like to identify if a trend of hypothetically correct dosage emerges or not as you suggested. Or maybe is the study too underpowered ?
    For example, have the people been hospitalized only when Ivermectin dose < 0.19 mg/kg/day ?
    I mean, and I exaggerate deliberately, if 125 people receive 0.1 mg/kg Ivermectin with moderate or no benefit and 125 people receive 0.3 mg/kg Ivermectin with positive result, the average is 0.2 mg/kg but the benefit of a hypothetically correct dosage is embedded in a cloud of points where there is no significant difference globally.

    L'auteur :
    We are working in a post hoc analysis of IVERCOR and one of this is about the dose of ivermectin.

    Wait & see, je ne manquerai pas de t'en informer pour échanger si tu le souhaites.

    A+
    Greg

    1. Salut Greg,

      Je suis surpris que tu sois étonné que les auteurs des études répondent aux questions qu’on pose… C’est souvent comme ça que ça se passe hein ! Oui je serais intéressé de connaître la suite, mais si l’auteur fait cela bien, et je pense que ce sera le cas vu la qualité de la publication, alors ces analyses supplémentaires seront partagées et publiées sur les réseaux scientifiques et sociaux.

      Concernant le “World Ivermectin Day”… C’est assez amusant de voir que ce médicament et les louanges qu’on lui porte deviennent une véritable religion avec son jour dédié… Je n’aurais pas vraiment de mot pour le décrire, ce n’est pas une initiative vraiment louable et honnête, avec des biais dans les analyses et une sélection minutieuse des études qui les arrangent. C’est de la pure idéologie au-delà des preuves scientifique et du rationnel.

      Pour les précautions que je prends dans mon article, oui, c’est bien normal d’utiliser le conditionnel (qui est fait pour ça) quand on parle des décès du Covid-19 dans des pays comme l’Inde où nous n’avons aucun moyen de vérifier la situation réelle car l’état omet ou ne connait pas de précieuses informations. Donc oui, je prends des gants et j’utilise des pincettes pour parler de ce sujet surtout quand des chercheurs font des estimations avec des modèles qui ont des limites. Tous les modèles en ont, c’est donc tout à fait normal et plutôt rigoureux de le dire. Enfin surtout honnête par rapport aux lecteurs.

      Pour la grippe, c’est beaucoup plus compliqué que ça. Nous ne savons toujours pas en 2021 combien de personnes meurent réellement de la grippe en France ou dans le monde. Nous avons des estimations par surmortalité hivernale (les fameux 14 000 décès) que l’on attribue systématiquement à la grippe. C’est donc dans son fonctionnement exactement le même principe que pour le Covid-19. Ce sujet est très compliqué. Selon le centre de certificat de décès, la grippe tuerait entre 200 et 500 personnes par an en France. Entre 10.000 et 18.000 selon les estimations de SPF avec la surmortalité hivernale. La réalité est probablement entre les deux. On ne sait pas.

      A te lire.

  2. “Three New Estimates of India’s All-Cause Excess Mortality during the COVID-19 Pandemic”
    http://www.jstor.org/stable/resrep33160.7

    Pas de DOI, pas de preprint, c’est un rapport interne… Je serais prudent sur le crédit qu’on peut lui apporter, sauf agiter une fois de plus le drapeau du “foutoir indien”, autrement dit de l’incompétence et/ou de la malhonnêteté de ses scientifiques.

    On ne peut pas plus parler de “l’Inde” en général qu’on peut parler de “l’Europe” pour ce qui concerne la lutte anti-CoVID, parce que c’est une fédération dont certains États (ex. l’Utter Padesh) dénombrent à eux seuls plus d’habitants que la France ou les USA. Chaque État bénéficie d’une grande autonomie en matière de santé publique. Il est donc prudent de se méfier des déclarations à prétendue portée nationale.

    J’étais à Delhi pendant l’épidémie de “peste pulmonaire et bubonique” qui a touché une petite région en 1994. Un premier rapport de l’AIIMS avait été publié concluant qu’il s’agissait aucunement de peste mais d’un simple décompte de maladies pulmonaires habituelles. Le gouvernement avait fait réécrire ce rapport pour que la mention “épidémie de peste” y figure… Pourquoi ? parce qu’ainsi l’Inde pouvait bénéficier d’une aide internationale. La peste est toujours dans les esprits !

    Les Indiens auraient donc intérêt à gonfler les chiffres, au moins pour la même raison. C’est d’ailleurs peut-être ce que tente de faire ce rapport interne. Je suis en lien quotdien avec des collègues scientifiques indiens qui ont la sagesse de ne prononcer aucun avis sur la validité de ces diverses déclarations…

    1. Bonjour Bernard,

      Ce n’est pas vraiment un rapport interne qui émanerait des institutions officielles, mais du Center for Global Development : https://www.cgdev.org/publication/three-new-estimates-indias-all-cause-excess-mortality-during-covid-19-pandemic

      Par ailleurs, depuis le temps de la publication de cet article et de ce rapport, trois nouvelles publications sont accessibles sur ce sujet :

      -https://www.medrxiv.org/content/10.1101/2021.09.30.21264376v1
      -https://www.medrxiv.org/content/10.1101/2021.07.20.21260872v1
      -https://www.medrxiv.org/content/10.1101/2021.08.04.21261604v2

      Et qui pointent toutes vers le même scénario !

      1. He oui, toujours des preprints très à la mode. Preprints ne signifient pas frauduleux pour autant.

        Même le rapport du Global Development est de bonne facture.

        Il y a clairement une sous-évaluation des décès, cela semble indéniable. La question est de savoir de combien !

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