Offrir un petit déjeuner à l’école pourrait paraître comme une mesure égalitaire pour les foyers modestes ou pauvres, mais pourrait surtout aggraver le risque d’obésité infantile.
Le petit déjeuner à l’école en question
L’agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) vient de publier une note de travail sur l’une des mesures phares du gouvernement avec l’introduction de petit déjeuner à l’école, surtout dans les quartiers défavorisés ou les réseaux d’éducations prioritaires (Rep et Rep+).
La note scientifique de l’Anses (1) noircit clairement sur le papier les alertes que j’avais lancées en mai 2019 lors du lancement de ce programme que je définissais comme un « accélérateur d’obésité infantile », avec des effets modestes et discutables sur les performances scolaires.
La principale critique de ce programme de rééquilibrage des inégalités ? Le risque de surpoids et d’obésité chez des enfants vulnérables qui multiplieront les prises alimentaires (lire ici mon enquête complète).
Cette note qui alerte sur les risques d’accroître l’obésité infantile chez une partie bien précise de la population d’enfants arrive bien après la mise en place de la mesure et illustre l’incohérence des prises de décision du Gouvernement.
On met en place une mesure puis on demande après coup sa pertinence scientifique et sociétale. C’est bien l’inverse qui aurait dû être fait.
Pourquoi la mesure est controversée
Car elle vise prioritairement à donner aux enfants issus de milieux défavorisés l’accès à un petit déjeuner avant de commencer l’école.
L’objectif secondaire est de combler d’éventuels déficits nutritionnels, comme en fer ou en calcium.
Mais d’après les analyses de l’Anses, cette population d’enfants serait relativement faible. Les données de référence de l’Inca 3 révèlent que seulement 6 % des matinées de semaine des enfants n’ont pas débuté par une prise alimentaire.
On parle soit d’un petit déjeuner ou d’une collation avant le déjeuner.
En revanche, l’organisme de sécurité sanitaire nous avertit que près de 17 % de ces matinées concernent des enfants avec une double prise alimentaire, un petit déjeuner et une collation.
C’est pour cette partie-là que l’offre d’un petit déjeuner à l’école pose question et soulève des inquiétudes, car il peut entraîner une 3ème prise alimentaire avant le déjeuner, et donc augmenter le risque d’obésité.
L’Anses le précise dans ces termes :
« Cependant, cette fréquence assez élevée d’une double prise alimentaire en matinée interroge quant à l’effet sur la santé de l’enfant d’une troisième prise alimentaire qui serait proposée dans le cadre de ce dispositif destiné aux zones Rep et Rep+ qu’on peut supposer plus à risque de surpoids ou d’obésité. »
Les importantes contraintes
Car selon l’Anses, pour que la mesure soit efficace et plus positive que négative, elle doit être sévèrement contrôlée par les enseignants ou toutes les personnes qui la mettent en œuvre.
L’enfant devrait être prendre son petit déjeuner dans un endroit calme et sans distraction avec des aliments les plus adaptés possible favorisant la mastication et les signaux de satiété.
Et c’est tout le paradoxe des besoins en calcium de certains enfants et la place prépondérante des yaourts qui se mangent rapidement. Il faudrait ainsi limiter la présence des aliments plaisirs et attractifs qui favoriseront la prise alimentaire même chez des enfants ayant déjà correctement mangé.
Ces produits stimuleront aussi le circuit de la récompense et ne seront pas forcément « décompensés » au cours de la journée.
Par décompensation, on entend un équilibre naturel des prises alimentaires au cours de la journée. On pourrait supposé que l’enfant qui prend plusieurs petits-déjeuners compensera partiellement par une prise calorique plus faible le reste de la journée.
Ce point fait débat, mais semble montrer en effet une absorption plus faible au cours des repas suivants, avec comme bémol un appauvrissement de la diversité des aliments ingérés (et le rejet des moins appréciés, les légumes donc).
En bref, la mesure gouvernementale censée lutter contre les inégalités pourrait bien être un accélérateur de l’obésité infantile. Pour s’en prémunir, la mesure nécessite des moyens considérables de la part du corps enseignant, déjà à la peine pour assurer le partage du savoir.
Les avertissements de l’Anses viennent ainsi faire écho à ceux que j’avais pu lancer quelques années plus tôt. Cette note doit impérativement servir de base pour encadrer du mieux que possible cette mesure ou bien l’arrêter dans l’attente de donnée complémentaire.