Le régime végétalien, qui écarte tous les produits d’origine animale, défraie régulièrement la chronique sur les plateaux télévisés ou les articles de la presse, et c’est pire encore quand on parle de grossesse. Si certains professionnels s’accordent pour dire qu’une alimentation végétalienne chez un adulte est acceptable, la plupart dénonce ce régime lors d’une grossesse. Malheureusement pour les parturientes végétaliennes, le feu des critiques est parfois violent, sans véritable preuves scientifiques. Aujourd’hui, une revue de la littérature scientifique nous indique que le régime végétalien (et végétarien) est sans risque majeur pour la santé du bébé, avec toutefois une mise en garde sur les apports en fer et en vitamine B12.
Grossesse et végétalisme : incompatible selon les professionnels ?
Si vous êtes végétalienne, et à moindre mesure végétarienne, il n’est pas recommandé de le crier sur les toits pendant votre grossesse, au risque de sévères remontrances par vos médecins traitants, pouvant parfois atteindre des proportions démesurées.
Comme tout bon spécialiste, les médecins, les pédiatres, les gynécologues, et la plupart des diététiciens-nutritionnistes, ils appliquent aveuglément et sans remise en question les recommandations alimentaires officielles, surtout celles émises pour les périodes importantes de la vie d’une femme, comme la grossesse.
Malheureusement, les recommandations officielles sont loin, mais alors très loin, d’être à jour puisqu’elles reposent toujours sur des idées reçues et des preuves scientifiques bien mal choisies.
Les nombreux conflits d’intérêts des experts (première enquête ici, une seconde là) en charge d’établir des avis et des recommandations de base avec l’industrie agroalimentaire et pharmaceutique ne simplifient la tâche…
Il suffit d’allumer son écran de télévision pour y entendre le célébrissime docteur Cohen rabâchant à longueur d’émission que le régime végétalien serait dangereux lors d’une grossesse.
Ce genre de messages qui viennent accabler les végétaliennes abondent sur la toile, et les sites populaires de santé et de nutrition.
Au final, si on sait aujourd’hui que les alimentations végétaliennes et végétariennes sont bonnes pour la santé chez des adultes, la littérature reste bien plus prudente sur le sujet de la grossesse, et de la santé du fœtus et du bébé.
Pourtant, une récente revue de littérature publiée par une équipe de médecins-chercheurs de l’Université de Torino en Italie, nous indique que ces deux régimes seraient sans risque pour les futurs bébés [1].
Faut-il réviser le discours des professionnels ?
Grossesse végétalienne et omnivore : peu de différences
L’étude a été largement reprise par les sites spécialisés sur le végétarisme et le végétalisme, et pour cause : c’est la revue de littérature la plus récente sur ce sujet (en PDF ici). La plus sérieuse, c’est une autre histoire.
Pour autant, cette revue de littérature n’a pas été publiée dans n’importe quel journal. Elle a été publiée dans le « BJOG: An International Journal of Obstetrics & Gynaecology », classé 6ème parmi les plus grands journaux en obstétrique et gynécologie.
Les auteurs de l’étude ont passé en revue plus de 2.300 études, pour au final n’en sélectionner que 22 (toutes les autres ne correspondaient pas aux critères de sélection). 13 études portaient sur les conséquences physiologiques chez la maman et son bébé, tandis que les neuf autres portaient sur les carences nutritionnelles.
Ensuite, les auteurs ont analysé l’ensemble de ces études pour en faire ressortir des grandes tendances, sans analyse statistique. C’est bien la grande faiblesse de cette étude.
Nous n’avons pas affaire a une « méta-analyse », comme on dit dans le jargon, où l’ensemble des données sont ré-analysées statistiquement pour faire émerger de nouvelles tendances ou en confirmer d’anciennes.
Non, ici, les auteurs nous « narrent » ce qu’ils ont trouvé (comme on peut le lire dans le titre).
A ce propos, les conclusions des auteurs sur ce sujet sont plutôt limpides.
Mise à part les risques de carences en vitamine B12 et en fer chez les adeptes de ces régimes, et un risque d’hyposadias (une malformation génitale du fœtus masculin) supérieur, les végétaliennes et leurs fœtus sont semblables aux omnivores.
Comme le souligne très clairement les médecins-chercheurs de l’Université de Torino, les résultats qu’ils mettent avant correspondent à la prise de position de deux grandes associations diététiques américaines et canadiennes [2] [3].
Ces résultats vont donc pouvoir donner du grain à moudre à tous les adeptes du régime végétarien, mais surtout végétalien, qui pourront de ce fait argumenter plus sérieusement avec des professionnels de la santé.
Par contre, cette revue de littérature est loin d’être la preuve ultime de l’innocuité des régimes végétariens et végétaliens sur la santé de la mère et du fœtus.
L’étude en question présente quand même des limitations importantes.
Limitations à prendre en compte
La première critique selon moi concerne la séparation entre les alimentations végétariennes et végétaliennes.
Malheureusement, les auteurs mélangent bien souvent les deux diètes, pourtant fortement différentes sur le plan des apports et des conclusions sur l’interprétation. Par exemple, la table 3 de l’étude qui mentionne les différences entre les omnivores et les végéta*iens ne fait aucune différence entre les végétariennes et les végétaliennes.
Autre exemple, sur les 11 études analysées pour attester des résultats de la diète sur la santé du fœtus, seulement une étude fait état de maman végétalienne. Qui plus est, les analyses statistiques pour cette étude n’étaient pas disponibles.
On peut tout de même se poser des questions sur les conclusions que l’on peut tirer sur la santé des fœtus lors d’un régime végétalien.
C’est exactement le même problème pour la table 2, qui recense les résultats de la diète sur des variables de la maman. Là aussi, une seule étude sur sept indique clairement que l’on compare un régime végétalien avec un régime omnivore.
Dans les autres cas, soit on ne sait pas soit il est indiqué que l’on parle d’un régime végétarien.
Conclusion
Au final, cette étude est tout de même positive et rejoint nombre de commentaires et témoignages de familles végétaliennes bien organisées et bien renseignées sur les tenants de ce régime.
Bien que l’étude présente des faiblesses, notamment à propos de la diète végétalienne qui pose le plus de questions, elle a le mérite de poser une première pierre sérieuse sur ce sujet.
Alors, mesdames, imaginer une grossesse en étant végétalienne est tout à fait possible. Le tout étant de se renseigner efficacement.
Références
[1] Piccoli, G. B., Clari, R., Vigotti, F. N., Leone, F., Attini, R., Cabiddu, G., … & Avagnina, P. (2015). Vegan–vegetarian diets in pregnancy: danger or panacea? A systematic narrative review. BJOG: An International Journal of Obstetrics & Gynaecology, 122(5), 623-633.
[2] American Dietetic Association; Dietitians of Canada. Position of the American Dietetic Association and Dietitians of Canada: vegetarian diets. J Am Diet Assoc 2003;103:748–65
[3] Craig WJ, Mangels AR. Position of the American Dietetic Association: vegetarian diets. J Am Diet Assoc 2009;109:1266–82
1 commentaire
Merci pour cet article et les liens associés.
C’est vraiment intéressant, je trouve qu’on fait vraiment peur aux femmes enceintes dès qu’il s’agit d’alimentation, ce qui est très culpabilisant par rapport au bébé.