Accéder à des enquêtes de santé exclusives !

Inscrivez-vous gratuitement à la newsletter de plus de 10.000 abonnés et recevez plusieurs enquêtes et guides inédits (sur le sucre, les crèmes solaires, les dangers des poêles...) qui ne sont pas présents sur le blog !

Des laboratoires commercialisent des gommes à mâcher aux extraits de plantes pour faciliter le sommeil. Un cocktail de plantes connu pour aider à s’endormir et apaiser. Sauf que le débat scientifique est délicat et le marketing des laboratoires ne semble plus vraiment avoir de limite.

© Annie Spratt| Unsplash

Du film aux gommes à mâcher

Le succès de la franchise Pat Patrouille (PAW Patrol™) chez les enfants est phénoménal. Les petits ne jurent que par les aventures épiques de ces chiens héros pour se divertir.

Des séries télé, des films, des spin off, des jouets, des goodies… et même des gommes à mâcher pour aider les enfants à dormir !

Oui, c’est la récente et étonnante découverte que j’ai pu faire ! Les laboratoires français Granions commercialisent des « gommes sans sucre » pour notamment aider « votre enfant à s’endormir facilement ».

Ils proposent des cocktails de plantes, dont de l’aubépine, du tilleul et de la mélisse, qui « apaisent la nervosité, favorisent la relaxation et offrent des endormissements calmes et des nuits réparatrices ».

Le laboratoire veut pleinement profiter de la vague « Pat Patrouille » qui inonde le monde entier et qui pourrait faire plier n’importe quel parent en quête de nuit plus paisible. Ces boîtes ne laissent aucune place au doute ! On retrouve nos célèbres stars de la franchise bien placées sur les boîtes pour attirer immédiatement l’oeil.

Et les promesses sont plus qu’alléchantes !

« Offrez à votre enfant des nuits sereines grâce à ces gummies au sommeil, une solution naturelle et sûre. Laissez le pouvoir apaisant de l’aubépine, de la mélisse et du tilleul améliorer sa qualité de sommeil pour des réveils plein d’énergie chaque matin. »

Et quiconque a déjà eu des nuits difficiles avec son ou ses enfants sait à quel point cela peut générer beaucoup de stress et de problème dans la vie de famille.

D’autres enquêtes sur ce sujet vous intéresses ? Consultez les dossiers sur l’insomnie avec l’homéopathie et les huiles essentielles !

En plus la solution est naturelle !

Que demander de plus ?

Des preuves que ça marche vraiment, peut-être ?

Et une assurance que cela est sans danger, au passage ?

Des plantes pour mieux dormir ?

Les preuves d’efficacité pour aider vos jeunes bambins à avoir des nuits de rêve ne sont pas mises en avant par les Laboratoires Granions.

On ne retrouve aucune source scientifique sur le site commercial. Aucune page de promotion marketing avec quelques études (souvent mal ficelés) pour donner un vernis de sérieux.

C’est étonnant, car la pratique est malheureusement ultra-répandue dans le milieu alternatif, comme j’ai pu le montrer avec le fameux Bol d’Air Jacquier, l’eau enrichie en hydrogène, les cristaux quantiques de Nassim Haramein ou encore les anneaux gastriques virtuels.

Mais autant aller droit au but : nous n’avons aucune garantie scientifique sérieuse que ces plantes puissent répondre aux promesses des Laboratoires Granions.

Que ce soit pour favoriser la détente et l’endormissement ou améliorer la qualité du sommeil.

Et dites-vous bien que les études chez l’enfant de plus de 3 ans – la cible de ce produit – n’ont jamais été faites.

Déjà en 2015, la revue médicale française Prescrire précisait que les promesses anti-insomnies de ces plantes (le tilleul, l’aubépine ou la mélisse) relèvent du mythe.

Une revue systématique de toutes les études à notre disposition en 2020 confirmait aussi l’absence de donnée probante pour traiter des problèmes de sommeil avec de la mélisse et l’aubépine.

Mais les études qu’on trouve sur ce sujet ressemblent parfois à l’excellence clinique qu’on recherche tous. C’est le cas d’une étude clinique contrôlé, randomisé, en double aveugle et contre placebo paru en 2004.

Ce travail coche toutes les cases qu’on attend d’une étude de qualité. Elle a testé un mélange d’aubépine et de pavot de Californie contre l’anxiété. Si l’étude trouve bien un bénéfice supérieur du mélange de plantes pour réduire l’anxiété comparée au groupe soumis au placebo, les auteurs ne vous préciseront pas le plus important.

Cette différence statistique est tellement ridicule (2 points sur l’échelle utilisée) qu’elle est cliniquement non significative. Mais pouvons-nous espérer un peu de bonne foi quand cette étude clinique menée et financée par le laboratoire Innothera qui commercialise le produit ?

Les pépites

On tombe parfois sur des pépites. C’est le cas de la plus récente clinique paru cette année (2024) pour évaluer le cocktail d’aubépine et de tilleul sur la qualité du sommeil.

Au terme de leur étude, les scientifiques à l’origine de ce travail concluent que « ce supplément a le potentiel de traiter efficacement à la fois les troubles du sommeil et la détresse psychologique dans notre population d’étude. »

Elle tombe à pic pour les Laboratoires Granions !

Sauf que cette étude n’a utilisé aucun groupe contrôle, ni placebo (forcément) et sans aveugle des participants ou des investigateurs (forcément aussi).

Autrement dit : cette étude peut finir à la poubelle.

Peut-on en vouloir à une équipe d’un département de dentisterie, de chirurgie et de neurologie d’avoir mené une étude aussi mauvaise, quand le financeur est celui qui revend les suppléments ?

Non. Certainement pas.

D’ailleurs, les auteurs le savent très bien et l’écrivent dans l’étude ! Ils précisent que « l’absence de groupe de contrôle, motivée par des considérations éthiques, a rendu difficile la distinction entre les effets thérapeutiques réels du médicament et la réponse au placebo. »

« …Motivée par des considérations éthiques »

Il ne faut pas trembler des genoux pour écrire une telle phrase. On ne refuse jamais de mener une étude avec un groupe contrôle pour des considérations éthiques. C’est l’inverse qui n’est généralement pas éthique !

Un groupe témoin peut être considéré comme « non éthique » si ce dernier ne reçoit pas les soins standards connus pour avoir un effet bénéfique, sinon vous priveriez un groupe volontairement de quelque chose de positif.

Mais dans notre étude, ces plantes n’ont jamais démontré d’efficacité contre l’insomnie, il n’y a donc aucun problème de créer un groupe contrôle et de lui donner une pilule inerte.

Des plantes sans risques ?

L’efficacité de ces plantes pour améliorer le sommeil n’est pas établie. Les rares études positives sont financées par des laboratoires quand elles n’omettent pas des résultats majeurs qui pourraient être négatifs.

En clair, rien n’est démontré.

Mais OK. Si les gommes n’ont aucun effet propre, on attend qu’elles soient sans risques pour la santé de nos enfants.

Et là, les données sont tout de même rassurantes. La revue Prescrire nous précisait qu’il n’y avait pas de signal d’alarme avec la consommation de ces trois plantes.

Sans risque majeur pour la santé des enfants, on peut seulement opposer l’absence d’efficacité propre des gommes qui pourront uniquement se résoudre à stimuler une sorte d’effet placebo ou contextuel.

Un effet placebo qui a de fortes chances de fonctionner… sur vous ! C’est connu et largement démontré, mais donner ces gommes à mâcher à vos enfants pourra vous faire croire qu’ils dorment mieux quand bien même la situation reste la même.

J’en parle dans le détail de mon enquête sur l’effet supposé hyperactif du sucre sur le comportement des enfants.

Mais on parle ici d’enfants. Des touts petits à qui on propose – déjà – des gommes à mâcher avec une volonté thérapeutique pour régler un problème de santé qui n’a peut-être pas été évalué par un professionnel de santé.

Car on ne parle pas ici d’une infusion de plantes prise par un adulte d’une manière consciente (qui vous fera surtout plus uriner qu’autre chose…) mais bien de la prise d’une sorte de chewing-gum dans un contexte de marketing agressif et décomplexé.

Ce cocktail très précis n’a jamais été rigoureusement évalué par le laboratoire français tant pour vérifier son efficacité que son innocuité à court ou moyen terme.

Quel pourrait être la conséquence de donner quotidiennement ces gommes à un enfant pour l’aider à dormir sur son comportement futur ? Une dépendance à la prise d’un complément (sans efficacité propre) pour régler d’éventuels problèmes de sommeil ?

Fort heureusement ces gommes ne contiennent pas de sucres ni de calories qui pourraient faire courir un risque cariogène majeur et de prise de poids.

Le seul additif qui pourrait être problématique, le citrate de sodium (E331), pourrait causer des diarrhées, des douleurs abdominales ou des vomissements en cas d’ingestion excessive. On ignore la concentration exacte, mais vu la taille des gommes, le risque est négligeable en respectant les quantités recommandées.

En clair ce n’est pas tant l’utilisation d’un cocktail de plantes dont l’efficacité est inconnue qui pose problème. Mais bien la nature d’un marketing décomplexé utilisant les leviers émotionnels les plus puissants chez les enfants avec des figures du divertissement pour des vocations thérapeutiques.

On laisse également le soins aux parents d’évaluer et diagnostiquer leur enfant avec tous les risques que cela comporte, avec comme solution une banalisation de la médication sans preuve solide d’efficacité.

Téléchargez vos enquêtes exclusives !

Inscrivez-vous gratuitement à la newsletter de plus de 10.000 abonnés et recevez plusieurs enquêtes et guides inédits (sur le sucre, les crèmes solaires, les dangers des poêles...) qui ne sont pas présents sur le blog !

1 commentaire
  1. Bonjour Jérémy,
    oui, mais les résultats de la pratique nuancent parfois ceux de la recherche ;)
    J’aime bien me reposer sur les deux. Avec, si besoin, en complément, l’étude des savoirs ancestraux et des données paléo anthropologiques, particulièrement à propos des sujets alimentaires.
    Ceci étant dit, la plupart des troubles du sommeil, chez l’enfant ou l’adulte, sont liés à :
    * une alimentation déséquilibrée, ne permettant pas la synthèse des neurotransmetteurs propices à l’endormissement et au sommeil.
    * des troubles respiratoires, liés en partie à des déséquilibres oromaxillofaciaux (facies rétracté; frein de langue restrictif; cloison nasale déviée; etc)

    bonnes recherches

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Tous les commentaires sont soumis à modération à priori. En postant un avis, vous acceptez les CGU du site Dur à Avaler. Si votre avis ne respecte pas ces règles, il pourra être refusé sans explication. Les commentaires avec des liens hypertextes sont sujets à modération à priori. La partie commentaire d'un article réservé aux membres peut être accessible à tous, mais les commentaires des internautes non inscrits n'ont pas vocation à être publié. Merci d'émettre vos avis et opinions dans le respect et la courtoisie. La partie commentaire sera automatiquement fermé 30 jours après publication de l'article.