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Elle forme l’un des plus grands progrès médical et sociétale de notre époque avec le contrôle de la fertilité des femmes. Mais la pilule contraceptive concentre aussi les critiques pour ses effets sur la santé. On fait le point.  

(c) Reproductive Health Supplies Coalition

Star des prescriptions

Depuis ces débuts à la fin des années 50, la pilule contraceptive est très rapidement le médicament le plus prescrit de la planète. Des millions de femmes l’utilisent quotidiennement pour contrôler leur fertilité et éviter ainsi les risques d’une grossesse non désirés.

Une simple pilule avec des conséquences sociétales majeures : les femmes ont gagné un contrôle sur leur fertilité et donc un contrôle sur le devenir de leur famille et de leur carrière professionnelle.

Une pilule salvatrice donc, avec des bénéfices inestimables, mais aussi des risques, comme toute médication nous fait courir. C’est bien l’analyse des bénéfices et des risques qui permet d’évaluer correctement l’intérêt d’un médicament (ou de n’importe quelle autre thérapie).

Photo (C) Ministère de la Culture – Médiathèque du patrimoine et de la photographie, Dist. RMN-Grand Palais / Michel Delluc

Le Mouvement de Libération Féminine (MLF) était à la manœuvre en 1972 dans les rues françaises pour avoir un accès libre et gratuit à la pilule contraceptive qui n’était pas encore remboursé par la sécurité sociale.

Elle sera finalement en 1974 grâce à un renforcement de la loi portée par Lucien Neuwirth et la nouvelle ministre de la Santé Simone Veil.

La pilule peut désormais être délivré gratuitement et anonymement à des mineurs dans des centres de santé.

En France, l’utilisation de la pilule contraceptive concerne plus de 3 millions de femmes. L’intérêt est donc énorme de mesurer avec précision les impacts que peut avoir cette médication quotidienne et souvent de longue durée.

Ces analyses passent par la réalisation d’études scientifiques, avec des méthodes et des niveaux de preuves qui diffèrent et se discutent.

On parlera beaucoup de « méta-analyse », un gros mot qui signifie tout simplement qu’on réalise une analyse de toutes les études sur un même sujet. En gros, on fait le point, une synthèse, mais avec des règles à respecter (lisez notre enquête sur une méta-analyse positive sur la chloroquine pour découvrir toutes les subtilités de ces études [1]).

Ces risques pour la santé des femmes

Dans les années 2000, plusieurs méta-analyses ont montré que les utilisatrices de la pilule contraceptive avaient des risques supérieurs par rapport aux autres. Mais quels risques ?

Les pistes sont nombreuses, mais on pouvait noter un surrisque d’infarctus du myocarde dans une publication parue en 2003 (2), ou encore d’accident cérébral vasculaire ischémique (3).

Des risques relatifs plus importants, certes, mais en valeur absolue plutôt faible étant donné la faible fréquence de ces problèmes de santé chez cette population plutôt jeune.

D’autres travaux plus anciens (avant les années 2000) montraient des risques accrus de cancer du sein (4, 5). Des résultats plus ou moins confirmés par une récente méta-analyse dont l’interprétation reste tendancieuse à cause d’études limitées avec des biais méthodologiques (6).

Sauf que nous avons aujourd’hui plus de 50 ans de recul sur l’utilisation de ces pilules (qui affichent toutefois beaucoup de diversité de dosage et de composition) permettant de faire des analyses globales de la mortalité.

Pourquoi prendre en compte cette mortalité globale ? Car un médicament peut augmenter le risque de mourir d’une maladie X, mais aussi réduire celui d’une maladie Y. Si les valeurs s’annulent, on n’observera aucune différence.

Si la balance penche davantage d’un côté que de l’autre, on pourra observer un bénéfice global ou un risque (nous l’avons vu avec l’exemple des statines, ou de certains dépistages contre le cancer du sein, du côlon-rectum, et de nombreux autres).

Mortalité et méta-études

On retrouve au moins quatre grandes méta-études parues en 2010 (7), 2014 (8), 2015 (9) et 2023 (10) regroupant des dizaines de milliers de femmes qui utilisent ou non la pilule contraceptive.

Ces femmes sont généralement suivies dans de grandes études épidémiologiques. Les fameuses études de cohortes observationnelles, avec des limites majeures, et des avantages certains.

Elles ne permettent pas de connaître tous les facteurs de confusions et rendent tous liens de causalité hypothétique. À l’inverse, elles sont relativement simples à mettre en place (il faut quand même de l’organisation) et sont peu coûteuses par rapport à des essais cliniques.

La primauté londonienne

La première étude britannique portait sur plus de 46 000 femmes suivies pendant 39 ans montrent des résultats plutôt rassurants.

Les chercheurs retrouvent une réduction relative du risque de mourir toutes causes confondues de 12 %. Un résultat statistiquement significatif, mais dont la valeur n’est pas excessivement significative dans ce type d’étude. Car la différence de risque absolu entre nos deux groupes sera faible, de l’ordre de 0.07 %.

On ne retrouve pas dans cette vaste étude une association entre la prise de ce médicament et la fréquence des cancers du sein, pourtant mis en évidence ailleurs.

Des données rassurantes ? Pas forcément. Nous savons que les études épidémiologiques peuvent rater un signal, comme ce fut le cas pour la thérapie hormonale de substitution pour les femmes à l’approche de la ménopause. Si les études de cohortes de ce type avaient pu montrer un signal protecteur, les essais cliniques (plus rigoureux avec un lien de causalité) ont montré l’exact opposé (11)!

Finalement, les auteurs retrouvent un surrisque de mort violente chez les utilisatrices de la pilule contraceptive sans qu’ils puissent raisonnablement l’expliquer.

 

On fait un bond dans le futur avec l’étude parue en 2023 puisqu’elle se base sur les données nationales britanniques d’une vaste cohorte (UK Biobank Cohort Study), utilisé à de nombreuses reprises pour ce type d’études (j’en parlais notamment en explorant le lien entre obésité et mortalité liée au covid-19).

Cette étude montre un signal cohérent avec la précédente étude britannique proposant ainsi 8 % de réduction relative du risque de mourir toutes causes confondues chez les utilisations de la pilule.

Un bénéfice relatif très faible et à la limite de la non-significativité statistique, comme on peut l’observer pour les risques cardiaques précédemment mis en avant dans d’autres études.

USA et dernière méta-étude

Plus de 136 000 femmes suivies pendant près de 39 ans ne montrent pas aux USA d’association entre le risque de mourir avec l’utilisation de la pilule, ni positif ni négatif.

Si les auteurs retrouvent un surrisque de décès à cause de cancer du sein, ce risque diminue pour le cancer des ovaires. Ils retrouvent également un risque plus élevé de mort violente chez les utilisatrices de la pilule contraceptive.

Finalement, la dernière méta-étude sur ce sujet ne retrouve aucune association particulière entre la prise de ce contraceptif et le risque de mourir d’une cause spécifique ou globalement.

Ce qu’il faut retenir

Aucune étude n’est parfaite, et le nombre n’y changera pas grand-chose. Les méta-études n’y échappent pas puisqu’elles peuvent être construites sur la base de mauvaises études ou de qualité méthodologiques faibles.

Car ces résultats se basent essentiellement sur des données épidémiologiques. Ces études peuvent produire des résultats de qualité, et réellement informatifs, mais peuvent aussi brouiller les pistes avec des résultats trompeurs.

Les essais cliniques sur ce sujet restent minoritaires. Une petite étude clinique n’a pas montré de dégradation des marqueurs cardiovasculaires chez plus de 150 participantes durant 6 mois (12). Mais l’utilisation de la pilule dépasse très largement les 6 mois, rendant l’idée d’un essai clinique aussi long infaisable.

Donc, avec les données à notre disposition, si certaines maladies méritent un œil averti (comme le cancer du sein), les résultats globaux semblent neutres, avec une tendance vers un effet favorable, mais qui me semble statistiquement bien trop faible pour avoir la moindre pertinence en santé publique.

 

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