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En cas de cheveux jugés trop fins et clairsemés, la société Nutrafol® vous promet d’inverser la tendance avec un comprimé 100 % naturel à l’efficacité scientifiquement prouvée. Votre humble serviteur s’est penché sur ces promesses thérapeutiques et vous offre cette analyse pour savoir précisément à quoi vous attendre.

© Freepik

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[Podcast] La pilule miracle qui fait pousser les cheveux
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Où sont passés mes cheveux ?

Vous souffrez de votre chevelure ? Elle est de plus en plus clairsemée avec des conséquences importantes sur votre vie sociale et professionnelle ? Et si je vous dis qu’un laboratoire avait mis au point une pilule pour vous aider à retrouver une belle et épaisse chevelure ?

C’est la promesse du laboratoire Nutrafol qui commercialise une gélule avec des ingrédients « 100 % naturels. »

La gélule vous fera ingérer une quantité impressionnante de différentes vitamines et minéraux (vitamine A, C, D, E, sélénium, zinc…) ainsi que divers ingrédients.

  • du collagène de poisson
  • de l’Ashwagandha, une plante de la pharmacopée indienne brevetée au moins 5 fois par le CNRS dans le cadre d’expérimentations cliniques (mais qui n’ont rien à voir avec les cheveux)
  • du palmier nain,
  • de la curcumine
  • de l’acide hyaluronique
  • ou encore du tocotriénol et du tocophérol extrait de palmier (de la vitamine E)
  • des extraits de poivre noir et de poivron

L’idée est de vous apporter un large panel de minéraux et de vitamines avec des composés naturels plutôt célèbres pour leurs principes actifs afin de lutter contre :

  • l’inflammation
  • le stress oxydatif
  • le stress environnemental
  • la DHT (dihydrotestostérone), qui est un produit de dégradation de la testostérone et qui est associé à des pertes de cheveux dans certains cas (aussi que leur amincissement)

Cerise sur le gâteau, ce serait l’un des rares compléments alimentaires avec une «  efficacité cliniquement prouvée » dans des essais cliniques contrôlés et contre placebo.

Nutrafol® : populaire et scientifiquement prouvé ?

Capture d’écran du site Nutrafol qui commercialise les compléments alimentaires à base de différents minéraux, vitamines et extraits de plantes pour aider à la repousse des cheveux.

Ce produit pour aider à faire pousser les cheveux est extrêmement populaire. On recense plus de 13 000 commentaires sur la page Amazon (pour une gamme).

  • 80 % des avis sont très positifs (4 et 5 étoiles)
  • 10 % sont négatifs (1 et 2 étoiles).

Mais les notes des produits sur Amazon n’apportent aucune espèce de garantie d’efficacité. On retrouve bon nombre de commentaires très positifs avec 4 ou 5 étoiles uniquement pour avoir reçu un paquet en bon état, et dans les temps !

Le produit est populaire, mais aussi relativement cher.

Il faudra selon la compagnie entre 3 et 6 mois de prise quotidienne pour en mesurer tous les bienfaits sur le cuir chevelu à raison de 72 à 80€ pour une cure d’un mois.

On dépasse les 500€ pour 6 mois de traitement (selon les prix fournis par le laboratoire). Ce ne sera pas donné à tout le monde de bénéficier d’un tel traitement.

Mais les leviers psychologiques sont énormes quand il s’agit des cheveux. La pression sociale n’aidant pas, les cheveux clairsemés peuvent être à l’origine d’importantes gênes et détresse émotionnelle.

Quoi qu’il en soit, il faut dans une certaine mesure s’en tenir aux études cliniques faites par les équipes de recherche pour estimer l’efficacité du produit.

La science derrière Nutrafol®

Le laboratoire Nutrafol s’est justement prêté au jeu de l’expérimentation scientifique au cours de deux vastes études cliniques durant 6 mois de suivi (1, 2).

Voici en résumé les principales forces et faiblesses de ces études :

Un miracle réservé à des chanceuses?

Les femmes à la recherche de la pilule miracle pour lutter contre une chevelure clairsemée ne seront confrontées qu’à la façade marketing de la compagnie.

J’imagine que personne n’ira chercher les publications scientifiques pour tenter d’y voir plus clair. Car même pour un habitué des publications, du jargon, des analyses statistiques et des tournures alambiquées… on reste parfois bien circonspect devant des résultats et leur présentation.

Ici, notre laboratoire s’est assuré d’avoir les bons mots-clés qui rendent toutes contestations abusives.

C’est le fameux « randomized, double-blind, placebo-controlled trial » pour les fameuses études cliniques les plus rigoureuses méthodologiquement.

Mais les apparences sont parfois trompeuses. Et il ne faut pas se laisser impressionner aussi facilement.

Les résultats restent, quand même, déstabilisants.

Capture d’écran de la publication de 2018 où l’on peut voir l’évolution de la chevelure à 3 et 6 mois chez une participante, ainsi que des analyses photographiques précises de certaines parties du crâne.

Alors que le groupe témoin avec des comprimés placebo sans substance active n’observe aucune différence sur sa chevelure, les autres s’émerveillent devant une chevelure dopée aux produits naturels !

Globalement, les femmes qui ont bénéficié du cocktail de plantes, vitamines et minéraux développent plus de cheveux au bout des 6 mois.

Voilà une méthode plutôt objective pour mesurer l’effet des comprimés. Mais si ces changements sont statistiquement significatifs, est-ce qu’ils sont cliniquement perceptibles ? Car il est important de faire la différence.

Car on parle d’une augmentation de 3,6 % du nombre de cheveux après 3 mois de traitement, et de 9,6 % après 6 mois.

Aucune différence n’est mesurée dans le groupe contrôle.

Il en revient donc aux participantes d’en décider. Car c’est bien leur satisfaction qui doit primer.

Si l’appréciation personnelle n’a pas vraiment d’intérêt pour évaluer un médicament censé prévenir une maladie (et encore…), cette pratique est relativement courante et acceptée dans ce domaine (6). L’estime de sa chevelure coïnciderait avec la croissance de cheveux.

L’étude parue en 2021 qui montre ainsi une augmentation d’environ 10 % du nombre de cheveux (contre 0 dans le groupe témoin) n’a pas nécessairement eu l’effet escompté chez les participantes.

Mais les résultats que je vous présente plus bas ont été rapidement évacués par les auteurs.

Alors que toutes participantes avaient une mauvaise estime de soi à cause d’une chevelure trop clairsemé, seulement 38% ont pu s’affranchir de ce fardeau après 6 mois de traitement.

Autrement dit : 2 participantes sur 3 n’ont reconnu aucune amélioration de la prise quotidienne de 4 comprimés pendant 6 mois.

Le taux d’échec est relativement important et peut expliquer pourquoi autant de clientes s’estiment trompées sur la page d’avis d’Amazon.

Et on remarque le même schéma dans l’étude parue 3 ans plus tôt. Une étude quasi-identique, mais avec un peu plus de participantes et des résultats présentés un peu différemment.

Ainsi on apprend cette fois-ci que 80 % des participantes ont constaté un épaississement de leurs cheveux après 6 mois de cure avec Nutrafol.

Là, les bénéfices semblent indiscutables et concernent une grande partie des participantes.

Sauf que les participantes qui ont pris la pilule placebo inerte ont elles aussi noté une amélioration de leur chevelure. 46 % d’entre elles observent aussi le même effet positif sur leurs cheveux… malgré l’absence du moindre principe actif dans le comprimé !

Autrement dit, cette amélioration pourrait correspondre à une sorte d’effet placebo ou à l’effet du suivi médical, des shampoings ou d’autres choses…

On pourrait donc s’attendre qu’au moins le même pourcentage de participantes avec le comprimé actif observent cette amélioration. L’effet réel du comprimé serait donc plutôt autour de 34-35 %, soit un tiers de participantes.

Des résultats étonnamment cohérents avec l’étude de la même équipe faite un peu plus tard et qui nous montait bien un taux d’échec de 62 à 66 %.

Mais qu’en est-il de l’efficacité perçue par nos participantes qui ont répondu au traitement ? Pas extraordinaire.

L’étude clinique de 2021 nous rapporte que sur nos 30 % de participantes qui ont noté une amélioration en s’autoévaluant, celle-ci serait « modeste ».

On en sait donc un peu plus sur l’effet de ce traitement en charcutant un peu ces études cliniques :

  1. Il ne concernerait qu’un tiers des participantes
  2. L’effet serait au mieux modeste chez les répondantes
  3. On pourrait s’attendre à 60-70 % d’échec

C’est ça la réalité un peu amère derrière des analyses statistiques positives, quand on s’attarde un peu sur le ressenti – forcément subjectif – des participantes.

Mais qu’en est-il des évaluations faites par des professionnels en « aveugle » sans connaître le traitement pris par les participantes ?

Déception chez les pros

C’était aussi une partie importante de ces études sur 6 mois, avec l’évaluation tous les 3 mois de la pousse et de la qualité des cheveux selon une grille standardisée.

On a l’idée ici d’avoir un avis extérieur plus objectif de l’effet du traitement, en s’armant de précaution. L’évaluation était relativement simple, allant de -3 pour fortement dégradé à +3 pour fortement amélioré (0 pour l’absence d’effet, 1 pour légèrement et 2 pour modérément).

Si au terme de 3 et 6 mois de suivi les évaluateurs indépendants n’observent aucune espèce de changement dans notre groupe témoin à la pilule placebo, ce n’est pas la même histoire dans le groupe sous Nutrafol.

Concernant le point le plus important, la croissance des cheveux, les évaluateurs attribuent une amélioration de 0,5 point. Cette « amélioration » correspond donc à un changement extrêmement léger à mi-chemin entre un effet absent à léger.

Capture d’écran des résultats de l’étude parue en 2018 où l’on voit les différences cliniquement faibles mais statistiquement significatives des évaluateurs indépendants.

Cette différence est de toute manière statistiquement non significative. Il n’y a donc eu aucun effet démontré à 3 mois par les évaluateurs indépendants.

Mais à 6 mois de traitement, les évaluateurs confèrent un point d’amélioration sur la croissance (mais aussi la qualité) des cheveux. La différence est statistiquement significative, mais les résultats brillent par leur déception.

Pourquoi faire des études en « aveugle » ? (et qu’est-ce que ça veut dire)

Si vous avez déjà entendu parler des fameuses études en « aveugle » sans vraiment savoir de quoi on parle, vous aurez toutes les réponses à vos questions dans cet article.

Que faut-il penser de Nutrafol® ?

Le produit est unique. C’est un cocktail de plantes, de vitamines et de minéraux qui pourraient tous jouer un rôle dans certains processus inflammatoires et oxydatifs de l’organisme.

Mais ce laboratoire s’est prêté au jeu de la recherche scientifique, avec plus ou moins de transparence et d’honnêteté. Tous les résultats n’ont pas été présentés dans l’étude comme en témoigne l’analyse du registre de l’essai clinique, impossible à falsifier ou changer sans laisser de trace.

Car les participantes ont été suivies 6 mois de plus (un an au total) sans qu’aucun résultat ne soit mentionné nulle part.

La présentation des résultats est bien sûr avantageusement tournée en faveur du produit, principalement grâce à des analyses statistiques positives et significatives, mais dont l’impact clinique réel est tout à fait discutable.

Quand les chercheurs qui ont mené l’étude concluent que «les évaluations globales des investigateurs concernant la croissance et la qualité des cheveux étaient significativement plus élevées pour les sujets du groupe de traitement actif que pour ceux du groupe placebo », ils évitent de préciser que cette amélioration n’a concerné qu’un tiers des participantes, avec un effet cliniquement léger au bout de 6 mois (et sans différence à 3 mois).

Fait rassurant : aucun effet secondaire n’aurait été noté.

Quoi qu’il en soit, vous en savez désormais plus sur ce que vous pouvez attendre de cette gélule au marketing saisissant et aux promesses alléchantes.

Si la prise quotidienne de 4 comprimés par jour pendant 6 mois a bien eu des effets positifs chez les participantes, seulement 30 à 35 % d’entre elles ont pu observer des améliorations modestes.

Vous avez tous les éléments en votre possession pour prendre une décision libre et éclairée et choisir si le jeu en vaut la chandelle. En l’absence d’effet indésirable, et si votre budget le permet, vous pourriez faire partie de ces « chanceuses ». Ou peut-être pas.

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