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Créer à l’origine pour colorer des vêtements, le bleu de méthylène attire depuis plus d’un siècle tous les regards sur ces nombreuses propriétés médicales. Il est au centre des attentions pour traiter de graves maladies comme le cancer ou la maladie d’Alzheimer.

© Adrien Ledoux | Unsplash

Le médicament qui fait tache

Son invention a presque 150 ans. Le bleu de méthylène a été entièrement synthétisé pour la première fois en 1876 par un certain Henrich Caro, un chimiste allemand cofondateur de la célèbre compagnie BASF leader mondial de la chimie (1, 2).

Un produit inventé à l’origine pour colorer des vêtements… en bleu. Mais cette invention témoigne de l’incroyable potentiel de certaines découvertes en dehors de leurs champs d’application originale. Car le bleu de méthylène ne cessera de faire couler beaucoup d’encre pour ses nombreuses applications et promesses thérapeutiques du monde médical.

Le colorant pour textile a ainsi rapidement attiré l’attention de médecins et chercheurs en santé.

Cinq ans après son invention dans les couloirs d’un laboratoire de chimie, le bleu de méthylène trouve une application médicale pour le traitement de malaria ou paludisme. C’est Paul Guttmann et Paul Ehrlich qui poseront la première pierre d’une longue série d’application thérapeutique.

À lire sur le blog : les enquêtes sur le traitement naturel du paludisme grâce à une plante sulfureuse, l’Artemisia ! Une plante qui pourrait éradiquer cette maladie, mais qui soulève aussi de nombreuses interrogations scientifiques.

Le bleu de méthylène est aussi devenu célèbre entre les mains du scientifique Robert Koch. Celui qui a découvert le fameux bacille de Koch (Mycobacter tuberculosis) de la tuberculose doit sa découverte à la coloration spécifique du bleu de méthylène.

Les applications d’aujourd’hui

C’est justement l’une des applications les plus répandus aujourd’hui : la coloration de tissus organiques et autre microorganismes.

On l’utilise aussi pour traiter une maladie bien particulière, la méthémoglobinémie. Cette hémoglobine spécifique peut devenir trop abondante dans l’organisme et mettre la vie des patients en danger. Le bleu de méthylène est un remède efficace.

Il est également connu et utilisé pour le syndrome vasoplégique, qui arrive généralement après une chirurgie cardiaque.

Ce colorant artificiel est aussi un antipoison contre l’ifosfamide, un traitement chimiothérapeutique qui peut avoir des effets neurotoxiques graves et qui protège les mitochondries de dégradation importante.

C’est d’ailleurs l’une des capacités qui concentre toute l’attention du milieu médical. Le pouvoir antioxydant du bleu de méthylène, et notamment l’une des formes réduites et stables avec le bleu de leucométhylène.

Les applications de demain

Pouvoir antioxydant

Le bleu de leucométhylène s’inscrit directement dans la théorie du vieillissement cellulaire où les radicaux libres dégradent le fonctionnement normal des cellules. Avec l’âge, les cellules et notamment les mitochondries qui produisent de l’énergie (ATP) perdent en efficacité.

Cette baisse de productivité entraîne une surproduction de radicaux libres comme les ROS qui peuvent endommager les cellules, en dégradant l’ADN.

Des dégâts à l’origine d’un vieillissement cellulaire accéléré.

D’où le rôle de plus en plus marqué des fameux antioxydants pour contrôler le stress oxydatif de l’organisme et le réduire au maximum. Ce contrôle pourrait être le synonyme d’un vieillissement cellulaire retardé et donc d’une meilleure santé sur le long terme.

Le bleu de méthylène intervient dans ce cercle vicieux avec la capacité d’améliorer les fonctions énergétiques mitochondriales des cellules et ainsi limiter la production de radicaux libres, aux actions délétères (3).

Cette piste « antioxydante » du bleu de méthylène est prise très au sérieux dans la communauté scientifique. Nous verrons qu’elle peut avoir des applications dans le traitement de maladies neurodégénératives (maladie de Parkinson ou Alzheimer pour lesquelles la prévention reste notre meilleure arme à ce jour), mais aussi contre le cancer.

Ces applications encore au stade des suppositions et des évaluations préliminaires, avec des promesses, mais aussi des déceptions. Car le traitement des maladies neurodégénératives est souvent synonyme de déception.

En 2021, le gendarme du médicament américain avait donné son feu vert (temporaire) pour un nouveau traitement contre Alzheimer alors que les preuves d’efficacité étaient quasi-inexistante.

Cette tendance à donner facilement les fameuses AMM (autorisation de mise sur le marché) témoigne d’une situation problématique pour les malades sans option thérapeutique.

Dans cette même veine, je vous parlais en janvier 2023 des promesses de l’hydroxychloroquine pour cette maladie avec toutes les incertitudes qui encadrent cette prescription.

Maladies neurodégénératives

Le bleu de méthylène peut aussi avoir un intérêt majeur pour prévenir ou traiter des maladies neurodégénératives. Son action directe sur le fonctionnement des mitochondries permettrait à la fois de limiter les dégâts du au stress oxydatif et de maintenir la production énergétique.

Dans le contexte du cerveau, ces deux actions peuvent limiter des phénomènes de destruction des réseaux de neurones et pourraient même favoriser la création de neurones et de connexion (via les synapses) entre eux.

Les applications pourraient concerner les deux principales maladies neurodégénératives, Alzheimer et Parkinson, mais aussi les traumatismes crâniens et ischémies cérébrales.

L’efficacité du bleu de méthylène dans la maladie d’Alzheimer, par exemple, pourrait venir de sa capacité à inhiber les agrégations de la protéine tau phosphorylé qu’on retrouve en abondance dans le cerveau des malades (avec l’accumulation de plaques amyloïdes) (4).

Des études in vitro et chez des souris transgéniques ont justement montré le rôle du bleu de méthylène pour limiter la présence excessive de cette protéine, avec des promesses thérapeutiques pour une maladie qui laisse les malades en pleine errance médicale.

Mais de la souris à l’homme, il y a souvent plusieurs mondes. J’en parlais dans le détail sur les études positives du jeûne contre le cancer chez la souris. Des études discutables puisqu’elles montrent souvent un bénéfice d’un jeûne de 2 à 4 jours qui représenterait 50 à 70 jours chez l’homme ! Bref…

C’est une équipe internationale qui s’évertue depuis plusieurs années à tester le bleu de méthylène (du moins une forme stabilisée) sur des patients Alzheimer afin d’évaluer ses promesses thérapeutiques (5, 6)

Des résultats plutôt contrastés où des analyses statistiques tendancieuses ont permis d’obtenir des bénéfices qui n’ont pas vraiment convaincu la communauté scientifique (7).

D’autres résultats devraient sortir, mais là aussi, les premières communications orales dans des congrès scientifiques laissent planer un doute sur la qualité des analyses et la portée clinique des bienfaits (8).

Est-ce que l’on peut y voir la patte du financeur, la société TauRx, spécialisée dans le développement d’un médicament à base de bleu de méthylène contre la maladie d’Alzheimer ? La société a publié en 2022 son protocole d’évaluation clinique d’une nouvelle vaste étude clinique pour démontrer (ou non) l’efficacité de cette molécule pour traiter Alzheimer (9).

Mais des résultats fuitent en 2023… avec des perspectives plutôt défavorables pour la compagnie. Les principaux critères d’évaluation n’auraient montré aucune différence entre les groupes, amenant le laboratoire a faire des pirouettes statistiques et méthodologiques très discutables (10).

Ils ont notamment transformé le groupe contrôle sous placebo en groupe soumis à la molécule, mais avec un dosage différent. Une pratique contraire à l’éthique scientifique dont l’intention laisse planer le doute sur l’honnêteté intellectuelle des laboratoires.

Des promesses aux réalités scientifiques et médicales, on réalise que le fossé est énorme. Surtout quand les laboratoires en charge des innovations thérapeutiques ne jouent pas le jeu de la transparence et la probité scientifique.

L’anticancéreux prometteur ?

L’idée d’utiliser le bleu de méthylène pour traiter le cancer n’est pas si farfelue. Car les cellules cancéreuses affichent des caractéristiques bien particulières, comme des altérations du fonctionnement des mitochondries (11, 12).

Ces usines qui servent à produire notre énergie présentent des dysfonctionnements en cas de cancer, avec des mutations de l’ADN qui entraînent à leur tour une augmentation du stress oxydatif environnant (plus de ROS).

Cette situation peut favoriser le développement du cancer et sa capacité d’envahir d’autres tissus. Autrement dit, de métastaser. Le cancer réussit d’une certaine manière à modifier son propre environnement pour faciliter et accroître son développement.

Le bleu de méthylène apparaît donc comme un allié de choix puisqu’il peut agir sur le fonctionnement des mitochondries et limiter l’impact d’un stress oxydatif avec ses propriétés antioxydantes.

Une équipe turque a montré en juin 2022 la capacité du bleu de méthylène (en association avec du bleu de toluidine) a réduire la croissance et la viabilité de cellules cancéreuses du pancréas (13).

Dans un autre registre, une équipe américaine montre un mois plus tard que le bleu de méthylène pouvait rendre des cellules cancéreuses plus sensible à une thérapie dite photodynamique. Ce traitement est surtout utilisé pour les cancers de la peau, du cou ou de la gorge avec l’emploi de lumière et parfois de rayons X.

L’ajout de bleu de méthylène a rendu les cellules cancéreuses épidermoïdes (l’un des trois types de cancers de la peau les plus fréquents) plus vulnérables à la thérapie photodynamique. Une nouvelle preuve que ce colorant purement synthétique peut avoir un intérêt dans le traitement de certains cancers.

Mais ces découvertes importantes restent très préliminaires. Car l’expérience se limite à des cellules cancéreuses dans des boîtes de Petri.

Nous ne sommes même pas au stade « rongeur » ni préclinique chez des singes et encore chez l’homme.

Précieux rongeurs

Mais l’histoire change récemment. Une équipe franco-canadienne vient de publier en janvier 2024 une première étude positive chez des souris avec l’utilisation du bleu de méthylène (14).

Contre un cancer des ovaires résistants au traitement de référence, le carboplatine. Cette lignée cancéreuse a été récupérée chez une patiente justement décédée d’une forme résistante. Les cellules cancéreuses ont ensuite été greffées sur des souris saines.

L’objectif ? Évaluer la croissance des tumeurs chez ces rongeurs en fonction des traitements.

Les auteurs de cette étude rapportent la « capacité du bleu de méthylène à entraver la progression du cancer de l’ovaire, en particulier contre les tumeurs présentant une résistance aux chimiothérapies conventionnelles. »

L’un des auteurs de cette étude est bien connu du monde de l’oncologie, c’est le Dr Laurent Schwartz. Un médecin à l’origine d’un traitement alternatif du cancer qui utilise des produits spécifiques pour bloquer la croissance des cellules cancéreuses.

J’avais également beaucoup parlé de Laurent Schwartz lors de sa volée de bois contre le régime cétogène (très pauvre en sucres) qui pourrait promouvoir les cancers au lieu de les combattre. Une idée que j’ai longuement discuté dans plusieurs articles.

Mais revenons à nos souris.

On remarque deux choses principales :

  1. Le traitement chimiothérapeutique (carboplatine) n’a eu aucun effet sur ces tumeurs. Et c’est bien normal ! Rappelez-vous, ce cancer des ovaires est résistant à ce traitement.
  2. L’ajout de 50 mg de bleu de méthylène par kg dans l’eau à boire des souris a permis de réduire le volume des tumeurs de l’ordre de 28 % !

Pas mal !

C’est sur la base de ce résultat que les auteurs écrivent des lignes très encourageantes. Pour autant, on peut aussi les garnir de prudences. De la prudence, car s’il y a une réduction de la croissance tumorale, la trajectoire est toujours mortifère pour les souris.

En fait, il aurait fallu réaliser des courbes de survie de nos souris. On compte tout simplement les morts a fil des jours pour mesurer l’éventuel gain sur la survie des souris. Mais ce n’était pas l’objet de l’étude… dommage.

Car on retrouve exactement les mêmes résultats pour… l’urine !

Il faudrait donc montrer que ce traitement à base de bleu de méthylène peut améliorer la survie des souris pour envisager des expériences plus sérieuses et pousser chez l’animal, puis éventuellement chez l’homme en cas de franc succès.

Promesses et désillusions

Finalement, le bleu de méthylène est un cas plutôt exceptionnel dans le milieu médical. Ce colorant entièrement synthétisé par l’homme pour des applications industrielles se trouve utilisé avec succès pour traiter de nombreuses maladies.

Si son utilisation est jugée extrêmement sûre, elle n’est pas sans risque. On peut être touchée par des céphalées, des vomissements et augmenter la pression artérielle si l’on en consomme trop. Les individus atteints par un trouble bien précis (un déficit d’une enzyme particulière) sont à risque de développer des anémies (notamment chez les nouveau-nés). Finalement, c’est bien son utilisation avec des antidépresseurs qui exposent au risque le plus grave avec un syndrome sérotoninergique, pouvant entraîner la mort (mais cela reste rare).

Quoi qu’il en soit, le bleu de méthylène dépasse les simples promesses thérapeutiques dans les champs d’applications reconnus et efficaces. En revanche, ses applications possibles de pour de graves maladies, comme le cancer Alzheimer, sont encore préliminaires et balbutiantes.

Des sociétés investissent aujourd’hui des sommes importantes pour réaliser des essais cliniques avec des formes stabilisés, mais dont les résultats sont discutés et discutables.

Il faudra encore un peu de patience pour avoir des résultats cliniques de haute qualité chez la souris, les primates et peut-être chez l’homme pour démontrer toutes les possibilités de cet incroyable colorant.

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3 commentaires
  1. Concernant l’étude franco-canadienne, le nombre de souris par bras est de 8 et l’écart entre les résultats de chaque bras est important ce qui rend les résultats annoncés plus qu’optimistes.
    A titre de comparaison les résultats publiés par Laurent Schwartz pour le Métabloc (acide lipoïque+hydroxycitrate) sont à ce niveau avec un nombre de souris plus important dans plusieurs bras comportant les deux produits.
    Cordialement.

    1. Bonjour Patrick,

      Ce chiffre de 8 souris par bras ne produit pas chez moi de l’optimisme mais plutôt de la méfiance. C’est bien trop peu. Avec un échantillon si faible, le hasard plane au dessus des résultats. Pour le métabloc, on voit qu’il n’a aucun effet ici, mais j’avais vu passer des résultats autrement différents dans d’autres publications avec une “élimination” des tumeurs. Là ce bénéfice de 28% ne permet en aucun cas de garantir un bénéfice sur la survie des souris.

      A vous lire.

  2. Bien!
    Sans oublier de dire. Que c est un inhibiteur de la NOS, signifiant théoriquement une baisse du NO.
    Quid de son effet sur le système immunitaire ? Dont le rôle esr Très important dans toutes les maladies degeneratives…

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