Enquête critique sur les vérités alternatives du célèbre naturopathe hygiéniste Fabien Moine, entre faits scientifiques, contradictions et récits mystiques.

Il ne prononce jamais un mot plus haut que l’autre, avec une sérénité et une maîtrise qui transpire dès les premières minutes de visionnage. Fabien Moine est un naturopathe hygiéniste 2.0 que je vois de plus en plus remplir les vignettes des vidéos sur YouTube.
Cela fait un bon moment que je connais ce réalisateur et créateur de la maison d’édition Exuvie, qui propose aussi des formations en santé naturelle et de nombreux articles sur son site pour décrypter les effets du jeûne, de la respiration, de notre alimentation, etc.
la vérité sur la méthode Wim Hof
Fabien Moine parle en détail et positivement de cette pratique qui consiste en des cycles d’hyperventilation, de méditation, avec une exposition au froid sur la santé. On fait le point de tous les travaux scientifiques, des promesses, des doutes et des risques sur la santé.
Mais j’ai peut-être vu la vidéo de trop. Je suis tombé sur la très récente interview de Fabien Moine, décrit comme « l’expert français du jeûne » sur la chaîne Biomécanique de Jérôme Cazerolles, ostéopathe de formation (lisez ici mon enquête sur l’ostéopathie et le mal de dos).
2h35 d’interview où Fabien Moine prend le temps de dérouler un argumentaire incisif sur notre déplorable état de santé et la racine de tous nos problèmes. Les abonnés de la chaîne semblent conquis par cette invitation surprise où les connaissances de l’intervenant impressionnent, puis sidèrent.
Mais pas forcément pour les bonnes raisons. J’ai décidé de rouvrir ce dossier poussiéreux pour m’y intéresser sérieusement. Les détails et anecdotes croustillantes foisonnent dans cette interview de 2h35 d’interview sans interruption intempestive.
Des détails qui vont nous amener à questionner notre rapport aux produits laitiers, et plus spécifiquement au lait de vache, honni par Fabien Moine pour de nombreuses raisons. Sauf que ce sujet va amener notre interlocuteur sur des pentes glissantes, des contradictions flagrantes et de grossières approximations.
On divaguera sur le jeûne et ses vertus thérapeutiques hors du commun, qui flirte avec la sorcellerie si on écoute attentivement un passage édifiant sur la transmutation des minéraux. On n’oubliera pas les passages sur les grandes famines qui ont frappé l’humanité avec ces conséquences positives pour la longévité humaine, soi-disant.
D’autres anecdotes ou récits historiques paraissent remarquables, mais s’effritent dès qu’on gratte un peu trop le vernis de la vérité. Je soumet à votre sagacité ce travail imposant de recherche afin de vous forger un avis plus complet et transparent sur les connaissances et les conseils de Fabien Moine.
On va voir ensemble pourquoi ce genre d’intervention est intéressante, mais aussi très problématique pour les lecteurs qui n’ont pas le bagage scientifique nécessaire ni le temps pour tout vérifier. Car l’interview mélange des faits vérifiés noyés dans un océan d’erreurs et de contradictions.
Le lait, entre totem hygiéniste et réalité biologique
C’est la bête noire des naturopathes, des hygiénistes, mais aussi de Dur à Avaler quand je débutais dans ce monde barbare de la nutrition. Je reconnais bien volontiers avoir alimenté la défiance anti-lait, essentiellement contre ses vertus supposées pour la santé osseuse et les fractures.
Un combat qui s’est révélé salutaire puisque les autorités sanitaires avaient finalement changé leurs fusils d’épaule pour admettre que les produits laitiers ne jouaient pas un rôle majeur contre les fractures ni pour prévenir l’ostéoporose. Mais au-delà de ce point, je ne vois pas de problème avec une consommation raisonnable et équilibrée quand les produits laitiers passent bien. Je referme cette parenthèse.
J’ai comme beaucoup d’autres blogueurs utilisé ad nauseam l’argument de l’intolérance quasi planétaire au lactose – le sucre du lait – pour torpiller sa place dans notre régime alimentaire.
J’ai comme beaucoup d’autres rappelé sans ménagement que nous étions la seule espèce animale à continuer de boire du lait d’une autre espèce à l’âge adulte !
Mais nous sommes aussi les seuls à :
- faire tremper nos légumineuses pour diminuer la concentration d’antinutriments.
- utiliser le feu pour cuire pratiquement tous nos aliments.
- avoir sélectionné pendant des milliers d’années des fruits, des légumes et des animaux (c’est le cas des vaches) pour améliorer les caractéristiques qui nous intéressent.
- dormir dans des lits confortables avec des sommiers…
Bref, je n’ai pas toujours eu ce recul pourtant salvateur qui me permet d’écrire des articles plus justes, mais moins sensationnels.
Boire du lait ou l’anomalie humaine
L’intolérance au lactose est donc l’argument n°1 pour expliquer que le lait de vache n’a rien à faire dans notre alimentation. 70 à 75 % de la population mondiale souffre d’un phénomène naturel et universel chez les mammifères (1) : le sevrage.
On ne produit plus l’enzyme clé – la lactase – une fois adulte au risque de punitions gastro-intestinales qui vous dissuaderont de continuer (nausées, vomissement, diarrhée…) ! Le lait de vache est pour ainsi dire « non physiologique » selon Fabien Moine. Des produits « toxémiques » qui congestionnent notre organisme.
Mais ces chiffres cachent une réalité physiologique et d’immenses disparités : l’espèce humaine s’est rapidement adaptée à cette nouvelle habitude alimentaire (2) ! La domestication et la consommation régulière de lait des premières vaches ont entraîné en seulement quelques milliers d’années l’arrêt du sevrage.
C’est l’un des exemples les plus édifiants d’une évolution adaptative par sélection (je présente d’autres cas dans mon enquête sur la diète carnivore).
Cette mutation génétique a apporté un avantage évolutif considérable au regard de l’exceptionnelle densité nutritionnelle du lait. C’est pour cette raison que plus de 95 % des Scandinaves – et globalement chez les habitants du nord de l’Europe – peuvent parfaitement digérer le lait (on retrouve des îlots en Afrique de l’Ouest, au Moyen-Orient et dans la Péninsule arabique).
La mutation s’est répandue comme une traînée de poudre chez les descendants historiquement proches des élevages de vaches. Le lait de vache est donc pour un paquet de gens quelque chose de « naturel », digéré par les enzymes adéquats qu’on pourrait qualifier de « physiologique ».

La jument dans les bonnes grâces
Je ne résiste pas de vous parler de la petite pirouette de Fabien Moine sur la nature physiologique du lait… selon de quel animal on parle !
Il rappellera à plusieurs reprise que le lait de vache est « non physiologique » précisant que c’est bien « normal, car le lait de vache est fait […] pour le veau pendant une période de croissance« . Mais Fabien Moine définira dans la foulée que celui des juments est… « physiologiquement assez adapté » à l’homme prenant l’exemple des valeureux Mongols qui en consommaient pour survivre.

Ce glissement est quand même culotté.
- Le lait de jument n’est toujours pas destiné à l’homme, mais à son poulain
- Il est aussi destiné à sa croissance à raison d’un à deux kilos par jour
- et il contient davantage de lactose que celui de la vache (1 à 2 g de plus pour 100 mL) !
Suis-je le seul à trouver la pirouette scabreuse et un brin contradictoire ?
Mais je sais me faire l’avocat du diable ! Fabien Moine reconnaît rapidement que le lait de vache ne semble pas si problématique si :
- les vaches sont rustiques (oubliez la sélection humaine)
- elles sont nourries «physiologiquement» (oubliez l’ensilage de maïs et les tourteaux de soja)
- le lait est consommé cru (oubliez la pasteurisation et l’homogénéisation)
Dans l’argumentaire hygiéniste, c’est surtout le lait industriel moderne issu de vaches « hybridées » et mal nourries qui serait toxiques et inflammatoires. Le lait de jument ou de chamelle sont épargnés de ces attaques, probablement car ces animaux sont souvent élevés en extensif, sans avoir subi d’intense sélection humaine.
Mais on va en parler plus en détail.
Une boisson inflammatoire ?
Fabien Moine a raison de pointer du doigt l’alimentation bien particulière des vaches modernes et surtout des élevages intensifs. Une alimentation surtout composée de céréales, de tourteaux de soja et d’ensilages de maïs loin de ce que pourrait manger une vache dans une prairie herbeuse.
On sait malheureusement que les élevages intensifs, et c’est valables pour les vaches, les porcs, les lapins, ou encore les poissons, s’éloignent des normes physiologiques alimentaires et éthiques de ces animaux. J’encourage bien sûr autant que possible de choisir des produits issus d’élevages respectueux de ces normes. Mais c’est plus facile à dire qu’à faire !
Les travaux sont nombreux pour montrer qu’une alimentation davantage riche en fourrage, luzerne, avec des graines ou des tourteaux de lin enrichissent et améliorent les propriétés nutritionnelles et gustatives du lait.
On augmente la quantité d’oméga-3 (qui améliore le rapport oméga-3/oméga-6), mais aussi d’acides gras intéressants (ALA, EPA/DHA et CLA) (3, 4, 5). On « améliore » le lait, mais sans ces ajouts salutaires pour les vaches et nous, le lait traditionnel industriel est-il inflammatoire ?
Vaste question.
J’ai déjà écrit une imposante enquête sur les bienfaits du lait cru et les effets délétères supposé de la pasteurisation, de l’ultra-haute température (UHT) et de l’homogénéisation. On ne retrouve pas de signal inquiétant sur les biomarqueurs inflammatoires quand on compare un lait UHT avec son homologue uniquement pasteurisé.
Mais pour le lait industriel, et les autres produits laitiers transformés de manière générale (yaourt, fromage) ? On a une bonne flopée d’études qui mesurent les biomarqueurs majeurs de l’inflammation après une consommation de lait industriel.
Deux synthèses et méta-analyses de ces essais cliniques ne montrent pas d’augmentation de l’inflammation après avoir bu du lait industriel (6, 7). Il y aurait même une tendance vers un effet anti-inflammatoire, mais le signal est fragile et mélange le lait avec les yaourts.
On retrouve pléthore de petites études qui ne montrent pas d’impact inflammatoire aiguë après avoir bu un verre ou une pinte de lait (8, 9). Mais ces études sont parfois financées par l’industrie laitière et souffrent des faiblesses classiques du milieu (suivi court, peu de participants, crossover souvent absent).
J’ai trouvé une petite étude intéressante, qui compare un yaourt industriel au lait de vache avec un yaourt au lait de brebis cru issu d’un élevage traditionnel en Espagne. La brebis est un peu comme la jument dans la vision naturopathique et hygiéniste de la santé, avec une tolérance pour les formes cru et fermenté. Ce produit serait moins « mucogène » ou inflammatoire que le lait de vache.
L’étude est indépendante de l’industrie laitière et possède en plus une méthode plutôt rigoureuse (10) :
- essai clinique randomisé
- plan croisé (crossover)
- avec une période de « sevrage » (wash-out) longue (5 semaines)
- 4 semaines avec 250g de yaourt par jour
- seulement 30 participantes (toutes des femmes)
Je concède qu’on n’étudie pas directement le lait de vache, mais on ne retrouve pas au terme de l’expérience de différence sur les marqueurs inflammatoires.
Finalement, il y a bien cette étude avec une méthode rigoureuse et chez beaucoup de participants qui ne montre pas d’impact négatif d’une alimentation « laitière » classique avec un verre de lait (375 mL), un yaourt et un morceau de cheddar tous les jours pendant 4 semaines (11).
L’étude est solide, mais financée par l’industrie laitière, avec des auteurs qui ont reçu de l’argent de l’industrie laitière et de Danone.
Ces éléments de preuve vous amènent-ils à penser que le lait est une bombe inflammatoire ? Ce sera votre décision.
« 80 % des vaches ont des leucémies »
L’affirmation est puissante, presque nauséeuse. On s’imagine immédiatement boire le lait d’une vache cancéreuse, souffrante donnant forcément une image un peu malsaine de ce lait d’animaux malades. La cause selon Fabien Moine ? Une alimentation inadaptée et « bourrée de pesticides ».
Mais est-ce seulement vrai ?
Ce point est vraiment l’illustration typique des approximations hasardeuses de Fabien Moine qui produit un discours anxiogène sur le lait.
Car l’hygiéniste naturopathe confond (sciemment ou non) :
- la prévalence du BLV, le rétrovirus responsable de la leucémie bovine, bien présent chez 80 à 90 % des vaches
- avec la véritable fréquence des leucémies qui concernent seulement 1 à 5 % des animaux
Il fait l’amalgame entre un pathogène et la fréquence réelle d’une maladie grave, mais aussi entre la situation de territoire avec des politiques agricoles complètement différentes en parlant des vaches américaines.
Car il oublie de préciser le plus important ! L’Europe a fait des efforts considérables depuis 1960 afin de limiter la propagation de ce virus pour finalement l’éradiquer de nombreux pays (France, Royaume-Uni, Allemagne, Espagne, Belgique, etc.)
Les vaches européennes sont donc épargnées des leucémies à cause de ce pathogène.
César, le fromage et la conquête militaire
L’interviewé partage aussi de savoureuses anecdotes, souvent au détour d’une promenade avec son fils. On entend ainsi Fabien Moine analyser l’étymologie du mot fromage durant une sortie en montagne, qu’il relie au latin « casare, donc César ».
Il y décrit une vision historique bien personnelle où César aurait trouvé dans le lait cru « la possibilité de le fermenter pour que les soldats transportent [ces] fromages à pâte dure… de la calories transportable pour aller conquérir… »
Le passage justifie un peu l’utilisation du fromage pour le développement de la vaste Rome antique et la raison du succès des conquêtes militaires, en passant par le développement de l’esclavage.
J’y vois l’insinuation que le fromage a été l’instrument stratégique pour semer le chaos, le pillage et l’esclavage de l’un des plus grands empires de notre histoire.
Alors je ne suis pas un spécialiste du latin et encore moins de la passionnante histoire romaine, mais j’ai le temps de faire des vérifications élémentaires. Et déjà, le mot latin pour le fromage est caseus sans racine commune avec caesar.
On peut aussi facilement vérifier que les légions romaines étaient principalement nourries avec du blé (frumentum, couvrant 60 à 70 % des calories) et toutes sortes d’accompagnements (commeatus) comprenant viande, saucisse, boudin, jambon, lard, végétaux, fromage, huile d’olive, sel, boissons…
C’est amusant, car on dit souvent qu’il « faut rendre à César ce qui appartient à César » quand il s’agit de mentionner la paternité d’un travail ou d’une invention. On va toujours faire référence aux premiers inventeurs d’un prototype, d’un concept ou de la découverte d’un nouveau virus.
Fabien Moine ne précisera pas qu’on trouve des traces de développement important de la fabrication de fromage à pâte dure… 1000 ans avant la naissance de Jules César. Ce dernier ne pouvait pas être à l’origine étymologique de ce mot, et n’a pas été l’inventeur de la méthode.
Je ne pensais pas obtenir des informations aussi éloignées de la réalité sur une simple anecdote dont j’ignorais tout. Ce n’est quand même pas très rassurant.
Les pouvoirs magiques du jeûne
Jeûner est « un mouvement de vie qui fait partie de la vie » selon Fabien Moine. Il a notamment pu constater que les animaux et les humains jeûnent spontanément quand ils sont malades et qu’on aurait tendance à interrompre ce processus naturel bienfaiteur.
C’est donc sans surprise que le jeûne a été abondamment abordé dans cette interview, avec un Jérôme Cazerolles qui a joué les contradicteurs pertinents à certains moments… mais pas à d’autres. Fabien Moine fera un clin d’oeil au premier documentaire d’Arté sur le jeûne, tandis que je propose une critique du second volet scientifiquement plus à jour.
La transmutation des minéraux
C’est le passage le plus problématique de l’interview avec de possibles graves conséquences sur la santé. Jérômes Cazerolles n’y aura opposé aucune forme de contradiction ni d’étonnement.
Fabien Moine explique comment il aurait réussi à corriger des carences en fer uniquement grâce au jeûne. Comment ? En « vidant [des] récepteurs qui sont congestionnés, engorgés, toxémiques » via les principaux organes de filtration.
Il utiliserait aussi les monodiètes ou des « repas monotrophiques » (un aliment par repas) pour mettre l’organisme en bon état de marche et faire remonter le taux de fer en seulement trois semaines.
Pourtant si vous n’apportez pas de fer à votre organisme via l’alimentation ou des compléments… il n’y aura pas de fer. Le fer de l’organisme ne peut pas grimper tout seul, comme ça, par enchantement !
À moins que Fabien Moine pense que ce soit justement possible ? Nous pourrions fabriquer notre propre fer grâce aux fameuses « transmutations biologiques » avec d’autres minéraux comme on transmute le plomb en or dans les livres de science-fiction !
Même si le naturopathe hygiéniste tempère son histoire abracadabrantesque comme d’une simple « piste » ou « hypothèse », il semble soutenir l’idée que le corps pourrait subvenir à n’importe quel besoin grâce à l’alchimie.
Jérôme Cazerolles n’émettra aucun avis particulier.
Sauf que cela fait plus de 50 ans que les grands centres de recherche en physique nucléaire n’ont jamais réussi à en faire la démonstration. Le principe nécessite une véritable réaction nucléaire, que certaines personnes ont postulé possible dans le corps humain.
Mais le mal est fait. Il jette sur la place publique et sans contradiction l’idée qu’on peut corriger n’importe quelle carence naturellement, en prenant deux exemples dont on ignore tout sur le fer, grâce à un jeûne ou une monodiète en veillant à écarter les aliments qui « encrassent » et créent du mucus (les produits laitiers et céréaliers).
Les carences présentées étaient peut-être légères ou avec des tableaux cliniques beaucoup plus complexes qu’on pourrait le croire. Qui sait ?
Les secrets de l’hepcidine
La médecine n’arrive pas toujours à corriger une carence malgré une supplémentation importante en fer, et on sait en partie pourquoi ! Une forte supplémentation entraîne l’augmentation de l’hepcidine – une hormone clé produite par les hépatocytes – qui va limiter l’absorption du fer dans les prochaines 24h (12).
C’est le chef d’orchestre pour réguler le fer de notre organisme.
Certaines personnes doivent donc espacer les prises pour réellement assimiler ce fer. Le retrait temporaire de certains aliments (les légumineuses qui ont des oxalates, les produits laitiers avec le calcium) comme le café peut favoriser l’absorption du fer… si tant est qu’on veuille bien en prendre !
Ces petits ajustements peuvent corriger des insuffisances légères, mais ne pourraient jamais corriger une anémie sévère sans apport extérieur (peu importe la source).
Une petite étude chez 46 femmes montre un peu l’absurdité du phénomène et les effets négatifs d’un jeûne court (2 jours complets tous les 8 jours) sur le statut martial avec une baisse de 15 à 40 % de tous les marqueurs du fer et des réserves profondes (ferritine) (13).
Plusieurs autres travaux ont regardé avec plus de précision l’effet du jeûne sur l’hepcidine et l’expression des gènes liés au stockage/déstockage du fer (14, 15). Ces études montrent que le jeûne enclenche tous les mécanismes biologiques qui aggraveront une carence en fer (augmentation de l’hepcidine, baisse de l’expression du stockage).
Mais n’aurait-on pas dans cette dernière étude parue très récemment l’explication des résultats fantastiques de Fabien Moine, mais finalement dangereux, sur le jeûne et la carence en fer (16) ?
Cette étude montre chez 15 adultes en bonne santé qu’un jeûne hydrique de 21 jours augmente l’inflammation de bas grade (CRP)… mais aussi la ferritine ! La ferritine, en tant que reflet des réserves profondes en fer, devient trompeuse durant un jeûne prolongé : elle augmente artificiellement en parallèle de la CRP, un marqueur de l’inflammation.
La correction révélée par Fabien Moine était peut-être illusoire, avec toutes les conséquences qu’on pourrait imaginer.
Ce sujet supplémentaire rajoute une dimension presque mystique à la nutrition que je trouve personnellement dangereuse, surtout quand on parle de carence aux conséquences majeures sur la santé.
Les famines bénéfiques ?
La démonstration ultime de l’intérêt du jeûne pour l’homme ne viendrait-elle pas des moments les plus sombres de notre histoire, lors des famines ?
Ça pourrait paraître loufoque, mais c’est un sujet qui passionne les chercheurs du monde entier avec des travaux célèbres… dont vous n’entendrez jamais parler dans l’interview.
Mythique vallée d’Hunza
C’est dommage. Et très embêtant. Car Fabien Moine se limite à utiliser le seul exemple le plus problématique qui relève davantage du mythe que de la réalité. Il partage l’histoire mythique des habitants de la vallée d’Hunza.
Fabien Moine raconte que cette tribu a toujours eu une espérance de vie exceptionnelle, jusqu’à 140 ans, sans jamais qu’on ne sache réellement pourquoi. Il précise que « les ethnologues, les anthropologues, en passant du temps avec eux, se sont rendu compte qu’en hiver, ils n’avaient plus de réserve à un moment donné et qu’ils étaient obligés de jeûner. »
Le secret de ces habitants était donc dans la disette hivernale !
Sauf que c’est une légende.
Cette tribu extrêmement isolée de l’Himalaya ne disposait d’aucun registre d’état civil pour confirmer les records de longévité extraordinaire… ce qui a fait le chou gras des journalistes peu regardants.
Mais des faits similaires ont déjà documenté pour les fameuses « blues zones » comme Okinawa où les supercentenaires seraient en réalité déjà 4 pieds sous terre… mais toujours « vivants » dans des registres pour les généreuses pensions de retraite !
Fabien Moine boucle sa belle histoire avec brio en mentionnant les réelles aides alimentaires qui auraient de facto fait baisser leur espérance de vie. Vous n’en saurez pas plus.
La grande famine d’Överkalix
C’est dommage d’avoir traité ce sujet aussi intéressant avec autant de légèreté. Car la vérité sur ce sujet n’est pas aussi belle ni claire que ça. Car les famines tuent les gens. Je n’aurais pas vraiment besoin de citer d’études pour le démontrer, mais les morts se comptent en dizaines de millions.
Mais elles peuvent aussi avoir des effets transgénérationnels sur les survivants selon qu’on soit un homme ou une femme et à quel moment elles nous touchent. Une famine n’aura pas le même impact chez un enfant, un adulte ou une femme enceinte… avec des spécificités selon le stade la grossesse !
Il y a des périodes de disettes dans l’histoire où nous avons d’excellentes documentations avec un suivi assez rigoureux des descendants sur au moins 2 générations. Et là, les résultats deviennent extrêmement intéressants.
L’histoire se déroule en Suède, dans des régions rurales souvent très isolées avec des registres religieux très bien documentés. C’est en Laponie suédoise à Överkalix que nous avons les premiers résultats sensationnels des famines sur les 320 personnes et leurs descendants sur deux générations (17).
Ces travaux ont montré des points absolument stupéfiants.
- Les périodes de famines avaient des effets positifs sur la santé (vie plus longue, et en meilleure santé) uniquement sur la seconde génération de garçon si l’arrière-grand-père avait lui-même subi une famine pendant une fenêtre très précise entre 5 et 12 ans.
- On ne retrouve pas ce schéma positif chez les femmes et leur descendance.
- En revanche, toutes les secondes générations, filles ou garçons (les petits enfants), subiront les effets délétères d’une famine si celle-ci a touché leurs arrière-grands-mères pendant une grossesse ou en dehors de cette fenêtre très précise.

Entre disette et opulence
Mais ces travaux de référence ont été enrichis par une enquête encore plus impressionnante dans les régions rurales de Gävleborg et Västernorrland, densément peuplé, et toujours en Suède.
On parle cette fois-ci d’un suivi de plus de 40 000 personnes sur deux générations avec des registres d’état civil assez précis et de l’état de récolte (bonne, normale ou mauvaise) (18, 19).
Ces travaux inédits viennent confirmer et affiner les premières découvertes d’Överkalix.
- Les chercheurs confirment que seuls les garçons peuvent bénéficier d’une transmission intergénérationnelle, visible uniquement sur la seconde génération d’enfant lorsque les réserves alimentaires changent drastiquement.
- On ne retrouve presque aucune association chez les femmes, leurs filles et petites filles selon l’abondance des récoltes.
Mais il y a une nuance de taille.
L’étude de ces régions suédoises montre que c’est uniquement les récoltes opulentes qui entraînent une augmentation de la mortalité et des cancers dans la seconde génération. Il n’ y pas d’effet positif associé à une mauvaise récolte, et donc une possible période de disette, de famine, sur les générations suivantes, par rapport à une année normale de référence.
Qu’est-ce que cela peut-il bien signifier ? Qu’il y aurait bien une période importante où les apports alimentaires devraient être surveillés, entre 5 et 12 ans (avant la puberté), mais uniquement chez les garçons. L’idée serait surtout d’éviter l’opulence alimentaire et la prise de poids excessive. Mais n’est-ce pas déjà un acquis de bon sens ?
L’autophagie en cause ?
Ce mécanisme a été analysé en détail dans une revue des grandes famines et semble se fonder sur la transmission intergénérationnelle des modifications positives sur les gènes liés à l’autophagie. On parle de modification épigénétique. L’action de ce mécanisme de nettoyage cellulaire n’est pas une légende urbaine (avec des promesses et des risques quand on parle de cancer), avec une transmission germinale théorique.

Autophagie et cancer : une arme à double tranchantL’autophagie est présentée comme un miracle biologique qui nettoie notre corps et le protège donc des dégénérescences de nos cellules. Il faudrait l’activer contre le cancer. Pourtant, ce conseil pourrait être inefficace, voire dangereux.
Cela reste à l’état d’hypothèse, quand bien même les travaux sont séduisants et solidement étayés. Mais on voit bien que le « jeûne imposé » à travers les grandes périodes de disette n’a pas d’effet magique non plus.
C’est d’ailleurs le seul sujet où j’ai vu Jérôme Cazerolles opposer une contradiction franche et salutaire. Il précisera que les bénéfices sur la longévité du jeûne viennent des souris… et que nous ne sommes pas des souris. Fabien Moine acquiescera rajoutant ne pas « être favorable aux études sur les souris ».
La remarque pourrait faire sourire quand on sait que le naturopathe hygiéniste cite en exemple dans le même entretien les travaux incroyables sur le jeûne, la longévité et le cancer de Valter Longo… qui viennent essentiellement des souris !
Aucune donnée clinique humaine ne vient soutenir, à l’heure actuelle, l’augmentation de la longévité.
Hygiénisme 2.0 : sagesse ou dérive ?
La multiplication des interviews et des messages autour de la santé, de nos aliments et du jeûne participe à la cacophonie actuelle qui brouille la réalité. Vous êtes les grands perdants dans cette histoire. Car tout le monde va prêcher pour sa paroisse et dérouler un argumentaire dont il sera difficile de juger de la pertinence sans une solide confrontation ou un fastidieux travail de vérification.
D’où la raison de ma mission dans ce bas monde ! Nous avons passé en revue un petit échantillon de certaines affirmations de Fabien Moine, un personnage emblématique de la sphère alternative autour de l’univers Naturopathie.
Je n’ai en soi aucun problème avec la naturopathie ou l’hygiénisme. Ce sont les idées qui m’intéressent. L’argumentaire. La démonstration et la rigueur dans la présentation des faits. On vient de voir que cette rigueur pêche énormément dans le discours posé et bien construit de Fabien Moine.
Les chiffres sont tordus dans tous les sens quand les affirmations ne sont pas loufoques avec la transmutation biologique des minéraux !
Cette réaction me semble importante vu l’importante réaction positive de la communauté réunie autour de la chaîne Biomécanique de Jérôme Cazerolles. Car la nutrition est un sujet suffisamment complexe et polarisant qui nécessite de la nuance, encore plus de prudence et davantage de recherche.
L’interview où Fabien Moine a pu dérouler sa vision de la santé ne m’apparaît pas cohérente avec les données les plus sérieuses des domaines concernés. Les contradictions idéologiques sont flagrantes et les histoires enjolivées bien trop présentent.
Mais vous avez désormais des éléments factuels et vérifiables (consulter les sources et les liens) pour vous forger votre propre opinion, et au minimum, avoir une contradiction nuancée, respectueuse et documentée.
J’ai réalise le même type d’analyse pour :
8 commentaires
C’est un peu le problème avec ces individus qui savent bien parler. Ils réussissent à captiver leur auditoire en distillant des choses vraies, des choses fausses et d’autres approximatives.
Sur les produits laitiers, ces gens-là se réfèrent beaucoup à Jean Seignalet pour qui les produits à base de lait étaient particulièrement néfastes. Ses positions ont été reprises par le Pr Joyeux, qui s’intéressaient à ses travaux. Seignalet citait ses sources pour bâtir son discours, et je m’aperçois qu’il avait raison avant beaucoup de monde, notamment sur les maladies auto-immunes. On peut ne pas être d’accord avec lui sur tout (qui le serait?), mais son argumentation vaut le détour. Cela ne m’empêche pas de consommer un peu de produits laitiers et de cuire mes aliments (car Seignalet s’en prenait aussi à la cuisson à température élevée des aliments – et il n’avait pas tout à fait tort – > ce qui a conduit certains gourous qui le citent à vanter les bienfaits du crudivorisme!).
Pour revenir sur le lait, il est certain que l’on en a trop consommé, en particulier le lait de vache (industriel). Paradoxe: chez nous l’ostéoporose est aussi, voire plus, importante qu’en Asie où la consommation de produits laitiers est nettement inférieure, et où les problèmes de santé liés à la malnutrition sont sans doute bien plus importants. Seignalet invoque les facteurs de croissance présents dans le lait de vache, inadaptés à l’humain et potentiellement cancérogènes (la question a d’ailleurs été soulevée par l’Anses sans qu’elle soit tranchée > https://www.anses.fr/fr/content/facteurs-de-croissance-du-lait-et-des-produits-laitiers-lanses-publie-son-avis-concernant ).
D’un point de vue historique, un historien a publié un ouvrage très intéressant sur le lait et sa consommation depuis la Renaissance > Didier Nourrisson (ça ne s’invente pas! :) ), Du lait et des hommes. Histoire d’un breuvage nourricier de la Renaissance à nos jours, Paris, Vendémiaire, 2021, 360 p. . On voit bien qu’au départ, la consommation de lait de vache, et de lait tout court, était loin d’être évidente.
Sur le métabolisme du fer, c’est hyper compliqué et ce que dit Fabien Moine m’a l’air de tomber dans la simplification, pour être gentil.
Si j’ai le temps, j’irai écouter cette interview. En attendant, merci pour ce compte-rendu critique.
Bonjour Davi,
Merci de ce commentaire développé !
Je connais bien l’ouvrage de Seignalet… il est dans ma bibliothèque et a été pour ainsi dire mon premier livre sur la nutrition quand ce sujet m’a passionné il y a plus de 15 ans ! Et j’attendais le premier commentaire sur l’IGF-1 (les facteurs de croissance dont tu fais référence) qui sont pour moi le sujet presque le plus important que je n’ai pas traité volontairement, ainsi que l’insuline bovine dans le cas de maladie auto-immunes comme le diabète de type 1 (mais dont l’effet semble beaucoup plus marqué chez les individus déjà à risque).
Mais oui le paradoxe de l’ostéoporose dans les pays développés qui consomment beaucoup de lait a fait coulé beaucoup d’encre… d’où mon avertissement de départ sur ce sujet et la position révisée et plus prudente de l’Anses sur cette question. Ce n’est pas tant l’aliment qui compte mais plutôt la quantité de calcium (et son assimilation!) dans un régime alimentaire équilibré et de qualité… avec tout ce qui va autour (sport, etc.).
J’ai extrêmement envie de lire ce livre ! J’imagine assez facilement qu’avant la facilité industrielle de production et de conservation, le lait devait être une denrée beaucoup moins fréquente qu’aujourd’hui. Heureusement que l’idée des « 3 produits laitiers par jour » a tout de même été un peu allégé (on table plutôt sur deux aujourd’hui selon les recos officielle).
A te lire
merci, très intéressant comme d’habitude. Petit détail: à la fin, je trouve bizarre de voir grosjean sur le même pied que des médecins ou une docteur en biologie. Je l’ai suivie depuis 2000, par force, à cause de mes élèves souvent naturopathes. C’est une cinglée de chez cinglée, qui aurait dû être en institution.
Ceci étant posé, j’aime les hypothèses de la naturopathie, qui ont parfois du sens sur le terrain, dans certains cas. Le souci est qu’ils veulent toujours justifier leurs postulats par des études ou des discours pseudorationnels. C’est là que ça flanche et que ça m’agace.
J’aimerais tant que des médecins conventionnels s’ouvrent à certaines pratiques naturo, mais je les vois se braquer face à tant d’affirmations péremptoires sans justification dans la littérature.
Il faudrait oser dire « on ne comprend pas, mais c’est efficace ». Se revendiquer empiriste, quoi.
Bonjour Taty,
La difficulté restera toujours la même : comment objectiver les bienfaits/améliorations des cas en l’absence d’une validation rigoureuse ?
C’est cela qui me dérange le plus car ça ouvre la voie à beaucoup de choses plus ou moins farfelues. Après, se braquer est inutile et explorer les pistes de manière précise me semble important surtout quand on identifie des mécanismes biologiques plausibles/cohérents !
Avec le temps j’ai développé une autre posture face aux pratiques naturo, une posture de bon sens – à l’intention des sujets, pas des praticiens. C’est celle que je pratique.
Les naturos nous apportent des pistes de travail formidables, mais peu validées (pour l’instant). Ce sont des postulats, ne les prenez pas à la lettre mais ne les rejetez pas non plus. En revanche, vérifiez sur vous-même:
1/ En vous posant la question de la pratique de nos Anciens, sur la technique que vous envisagez.
2/ En interrogeant les résultats sur le terrain, autour de vous ou par la lecture critique de forums
3/ Et surtout en évaluant les effets sur votre biochimie personnelle. Nous disposons de tant d’outils aujourd’hui! Je me suis fait une spécialité du biohacking sans recours aux tests, par simple observation de soi. En quinze jours, on voit clairement les résultats positifs ou non d’une technique.
Hors ce mode, un médecin fonctionnel peut vous suivre en testant certains paramètres sanguins, dès que vous amorcez un changement majeur
J’utilise par exemple avec bonheur le bol d’air Jacquier dont la critique sur ce blog est pourtant assez féroce, si j’ai bonne mémoire. Peu me chaut que des études disent que… que l’on n’ait pas démontré que…. Sur mon corps à moi, sur celui de mes proches, cet appareil fait le boulot annoncé par l’inventeur. Empiriste revendiquée, je ne m’intéresse pas à connaître les mécanismes de fonctionnement, je veux que ce soit efficace.
Idem pour … les bouillottes ou l’application d’argile, si pas la méthode Gardel ou les jus frais à l’extracteur à basse vitesse de rotation. Rien de démontré ou testé, mais quelle efficacité sur le terrain!
In cauda venenum: peu de gens testent leur propre biologie après la prise de médicaments conventionnels ou la tenue de pratiques classiques (pensons « manger maigre » de mon temps). La confiance dans la parole de l’Autorité est aussi naïve dans un camp comme dans l’autre.
C’est fascinant de la part complexité du sujet, des questions qu’on pose et des réponses qu’on attend.
On est dans la pure confrontation de la validation et de son intérêt.
Je me retrouve dans le premier point. Par exemple, les anciens savaient qu’il fallait faire tremper les légumineuses. Le faisait-il par principe car avec le temps et l’expérience empirique ils ont réalisé que la digestion était meilleure ? Probablement ! Mais ce que je trouve encore plus beau, c’est quand ces observations empiriques de « bon sens » sont validé par des observations plus rigoureuses. On sait désormais que ce trempage réduit les anti-nutriments, facilite la cuisson et améliore le transit. On a des travaux qui peuvent montrer précisément la quantité et la nature des anti_nutriments, les effets sur la santé, les temps pour tremper, etc, etc.
J’y vois quelque chose de très positif pour l’homme. La confirmation de certaines actions empiriques dont les effets sont confortés par des expérimentations plus rigoureuses, des autres où il peut y avoir des divergences.
Il y a tellement de sujets et de complexités dans ces questions que je vois l’expérimentation personnelle comme salutaire dans une démarche purement personnelle, mais presque impossible à partager quand il s’agit de donner un conseil ou un exemple.
Les méfaits de la cigarette n’ont été, par exemple, objectiver réellement que grâce à des données scientifiques comparatives rigoureuses. Sinon, difficile de faire la part des choses entre les cancers « naturels » et ceux déclenchés par le tabac. On pourrait parler du petit rhum dans le biberon des enfants chez nos Anciens ! Tout le monde disait que c’était bon pour calmer l’enfant, sans imaginer une seconde que cela pourrait avoir de graves conséquences sur le développement de l’enfant… chose que l’on sait grâce aux connaissances scientifiques et médicales.
Des exemples peut-être extrêmes mais qui illustrent selon moi que nous sommes de bien mauvais arbitre. Et je le sais moi-même très bien car je suis de nature hypochondriaque, pour certaines choses bien particulières mais pas d’autres. Si j’écoutais que mon ressenti, oulala, j’aurais parfois plus la possibilité de faire la moindre chose (bon j’exagère un peu) mais je sais que mon cerveau me joue des tours et que je ne peux malheureusement pas tout le temps lui faire confiance.
Là par exemple, je viens de m’entailler il y a un jour bien méchamment le doigt en coupant des aubergines avec un couteau que je venais de bien aiguisé. J’avais vraiment la flemme de faire un pansement au miel comme je fais d’habitude pour accélérer la guérison/cicatrisation, et bien en même pas 24h c’est terminé, et je n’en reviens presque pas de voir la vitesse de fermeture de la plaie… sans rien. C’est presque un non événement, mais il y a clairement des choses qui déclenchent des réactions et qu’on peut rapidement isoler avec une certitude très correcte (désordre gastro-intestinaux) mais dans d’autres cas cela devient très compliqué.
« L’autorité » pour moi vient plutôt de la démonstration. Même nos vieux ont en réalité pu valider des traitements empirique par une expérimentation pionnière plutôt robuste. C’est d’ailleurs les premières observations comparatives robustes du 18è siècle qui nous ont permis de déterminer avec précision le rôle des fruits dans le métabolisme et la santé avec le scorbut. Mais on retrouve des traces de ce type d’expérience depuis très très longtemps entre le 2em et le 1er siècle avant JC avec des groupes contrôles lors d’expérience spécifique de nourrissage (en lien avec la religion).
Ce n’est donc pas une absurdité ni une nouveauté en soi que de mener ce genre d’expérience et comparatif : nos anciens le faisaient aussi ! :)
Merci pour l’échange. Passionnant les « traces de ce type d’expérience depuis très très longtemps entre le 2em et le 1er siècle avant JC avec des groupes contrôles lors d’expérience spécifique de nourrissage (en lien avec la religion). »
Je partage ici alors que je suis à la retraite de la nutri, car même après 30 ans, je cherche encore et toujours des formulations pour que tout le monde se comprenne et pour éviter la binarisation de la pensée/des croyances. Naïve que je suis! A l’heure où c’est si tentant de suivre des exaltés sur le ouaibe, de ne lire qu’un mantra alors que je propose de s’abonner chez toi et de lire les longs documents (et tes références).
Je m’exerce donc chez toi en formulation sur certains sujets.
On fait le même travail, mais avec une grille de lecture différente: de la réinformation centrée sur l’esprit critique.
La différence? Je trouve que tu fais un travail remarquable, mais qui porte en lui de tels défis!
Dès mes débuts en nutri en 1996, j’ai capté que le recours à la littérature quand on traite de sciences du vivant est une prouesse. En effet, il manque à la médecine conventionnelle les outils pour évaluer la complexité des systèmes dynamiques, pour étudier jusqu’à l’endocellulaire vivant (et non mort et trituré pour les besoins de microscopie), pour prendre en compte la singularité de chacun dans les études d’intervention.
S’il existait un prix Nobel de nutrition, ce gars n’arriverait pas à étudier la nutrition selon tous ces paramètres.
Pour ma part « biohacker sauvage »;, le recours à la littérature n’est qu’un tremplin pour oser expérimenter, mais je ne donne pas mes « croyances » aux résultats d’études, dont tu décris si souvent les limites, comme Bernard Bel le fait aussi.
Bref, tu devines que je profite de l’échange pour faire un projet de billet, car ça fait des lunes que je veux faire la promo de ton travail. Je cherchais l’angle d’attaque pour l’écriture.
(NB: mon article sur le jeûne, promis il y a 3 semaines, traîne un peu, mais ça viendra en son temps. Il ne sera pas révolutionnaire pour toi, vu ma posture empiriste et autonome).
Merci Taty,
J’apprécie beaucoup ces échanges et te remercie pour ta bienveillance !
Les critiques que je peux faire n’invalident pas non plus les critiques qu’on peut lire et entendre sur le système médical français, centré sur les symptômes avec peu de moyen et d’empathie pour réellement apporter des dynamiques d’amélioration de l’hygiène de vie, de l’état de santé par des approches globales (dirais-je « fonctionnelle » ou « intégrative » ?) mais fondé sur les preuves les plus solides. Le travers de cette méthode est bien sûr de tout rejeter à défaut d’avoir les dites preuves : choses que je ne souhaite pas faire = rejeter bêtement sans accepter ni essayer de comprendre. D’où mon respect pour les témoignages, le ressenti, mais ma crainte d’en parler et d’en faire une vérité pour tout le monde…
Car comme tu l’a bien dit, c’est compliqué et ton expérience vaut énormément depuis le début de ton cheminement. J’ai moi-même l’impression de ne rien savoir… et plus cherche, plus je suis confus. Mais je pense que cette sensation ne t’es peut-être pas inconnu !
D’ailleurs on le voit tous les jours avec les mouvances qui s’affrontent en permanence, et chacune qui défend sa paroisse : le low carb, low fat, hyper-carnivore ou végan… Je vois en réalité beaucoup d’exclusion et de dogmatisme alors que je trouve que la clé repose dans la nuance, mais aussi comme tu le dis, d’une observation personnelle de ce qui nous convient ou pas. Sa qualité de vie doit être le premier indicateur, c’est certain. Dans des cas précis cela pourrait être un mélange d’effet réel, placebo, contextuel, nocebo et j’en passe, d’où peut-être des précautions d’évaluation (je pense au sommeil, à la douleur et parfois à certains symptômes gastro quand notre esprit a été beaucoup formaté).
En bref, c’est tellement compliqué, mais j’ai hâte de pouvoir lire ton billet sur ce sujet aussi complexe et passionnant que le jeûne !