Est-ce que la privation de glucides est une solution pour affamer les cancers de nos chiens et de nos chats ? Si la piste est prometteuse chez l’homme, nous n’avons que peu d’éléments chez nos compagnons à quatre pattes. On explore tout de même cette option thérapeutique.
Sommaire
Terribles cancers canins et félins
Les cancers de nos poilus nous bouleversent autant que pour nos proches. Ils peuvent être foudroyants et n’épargnent véritablement aucune race. Et on ne sait pas grand-chose sur les cancers qui touchent les chiens et les chats.
C’est une sorte de boîte noire où nous avons très peu de chiffres, d’analyses pour essayer d’en déterminer les causes et si possible d’améliorer les traitements. On sait que les chiens sont davantage touchés que les chats par le cancer.
Les femelles seraient plus vulnérables. Mais là encore, on peine à rassembler des travaux pour mesurer l’ampleur du phénomène.
Est-il stable ? Les cancers augmentent-ils ? Si oui, depuis quand et à cause de quoi ?
J’ai personnellement traité le sujet des cancers et des croquettes industrielles dans mon ouvrage Ce poison nommé croquette. Je vous recommande chaudement de le découvrir si ce sujet vous intéresse où je détaille les risques liés à la consommation de produits de glycation avancé notamment, dont le lien avec certains cancers devient de plus en plus certain.
La nourriture industrielle pour animaux de compagnie est aussi dans le viseur de nombreuses personnes à cause des importantes quantités de glucides.
Des glucides nécessaires à l’appétit vorace des cellules cancéreuses qui se multiplient à un rythme effréné. Car qui dit multiplication massive, dit besoin énergétique massif.
L’idée de couper les lignes de ravitaillement de ces tumeurs pour les affamer, en utilisant la célèbre démonstration d’Otto Warburg, fait bien sûr sens. On parle de la diète cétogène pauvre en glucides, et riche en graisses.
Elle n’est pas enrichie en protéines, c’est une erreur que l’on peut facilement lire et entendre sur la toile.
Le régime cétogène contre le cancer
Vous imaginez bien que ce sujet est passionnant et qu’il déchaîne les passions aussi bien chez les citoyens lambda que les scientifiques ou cancérologues.
Les corps cétoniques intéressent grandement le corps médical. Cette source énergétique de substitution quand les glucides viennent à manquer pourrait bien nourrir d’un côté les cellules saines, et de l’autre affamer les cellules cancéreuses chaotiques .
Car on dispose chez l’homme d’une batterie d’indices encourageants. Des indices qui montrent, pour certains cancers avec des stades et un timing bien précis dont je détaille l’ensemble ici, que la privation de glucides peut participer à la guérison.
Le mot guérison est presque un peu fort. Parfois c’est plus modestement un contrôle du cancer et une évolution lente qui ne met plus en danger la vie du patient. C’est bien souvent une aide dans le contrôle des effets indésirables des traitements cytotoxiques.
Mais le nombre d’études cliniques chez l’homme sont modeste, pour ne pas dire largement insuffisantes. Elles pointent pour le moment vers un rôle de soutien prometteur des traitements de référence (chirurgie, radiation, chimiothérapie, etc.)
Cette alimentation est loin d’être la panacée non plus. On ignore beaucoup de choses et on sait que certaines lignées cancéreuses peuvent tirer parti des corps cétoniques. Les cancers se développent tout à fait normalement malgré la fermeture des vannes à glucides.
Et ces observations compliquent pas mal de choses.
Elles nous montrent que la diète cétogène n’est pas une solution générale, mais doit être au mieux personnalisée selon les cas, avec par exemple un signal positif prometteur pour le traitement du cancer du sein en accompagnement d’un traitement classique.
Le « miracle » de la diète cétogène chez les chiens ?
De retour sur notre sujet d’intérêt, nous n’avons pas grand-chose à nous mettre sous la dent pour nos chiens et nos chats. Mais on peut logiquement partir du principe que les pistes métaboliques prometteuses s’appliquent aussi pour nos compagnons à quatre pattes.
Étant donné que nos poilus n’ont aucun besoin en glucides connu, on peut proposer ce type d’alimentation sans prendre véritablement trop de risque (j’en parle d’ailleurs spécifiquement pour les femelles gestantes ici).
Une seule étude publiée tout récemment nous rapporte la régression d’une tumeur mastocytaire chez un Pit-bull âgée de 7 ans après avoir donné une alimentation maison cétogène.
La tumeur a visuellement complètement disparu un an après l’initiation du régime pauvre en glucides. Les propriétaires du Pit-Bull ne voulaient pas des traitements standards à base de prednisolone et radiothérapie qui montrent pourtant une efficacité très intéressante.
La diète cétogène comprenait uniquement du poulet cru et des œufs de poule biologique avec quelques cuillères de matières grasses (huile de coco et de poisson).
Une restriction calorique de 40 % a été menée en parallèle de la diète cétogène.
On n’est pas à une méthode près pour sauver la vie de son chien n’est-ce pas !
Ce cas clinique est unique, intéressant, mais aussi anecdotique de l’aveu des auteurs. Il est bien difficile d’émettre des recommandations en l’absence de groupe comparatif, et d’aussi peu de chiens ou de chats étudiés.
Malheureusement on ignore le stade du cancer qui touchait la femelle Pit-Bull, en l’absence des analyses élémentaires faites par les chercheurs. Ils pensent toutefois que la tumeur était progressive de bas grade, rapportant la survie la plus élevée chez les chiens.
Près de 75 % des chiens touchés par des cancers mastocytaires de bas grade peuvent vivre 8 années de plus en moyenne. Ces tumeurs cutanées sont aussi celles avec les meilleurs pronostics comparé aux tumeurs de haut grade ou sous-cutané.
Ces cancers chez les carnivores
Les animaux sauvages ne sont pas épargnés par les cancers, loin de là. Je vous en faisais la présentation dans une démonstration il n’y a pas si longtemps sur Dur à Avaler. C’est un sujet qui intéresse aussi de nombreux spécialistes dans le monde entier.
Et nous pourrions jeter un œil indiscret sur les cas de cancers chez les carnivores sauvages. Car oui, ces carnivores ne consomment pratiquement aucun glucide. Ils suivent à l’insu de leur plein gré une diète cétogène extrêmement stricte, avec aussi de la restriction calorique en période de disette.
Pourtant, les cancers sont bien là, et cette observation n’est absolument pas une démonstration de l’inutilité du régime cétogène, bien au contraire. Cela permet de relativiser un peu.
Car les lions de mer californiens qui se nourrissent d’une flopée de poissons, de poulpe et encornet en tout genre sont aussi touchés par les cancers urogénitaux. Les loups aussi.
Les jaguars, les panthères ou encore les lions peuvent être touchés par des cancers mammaires, ovariens, ou de l’endomètre.
En réalité, des travaux titanesques sur ce sujet relatent un tableau plutôt funeste pour les carnivores. Ce sont surtout ceux qui se nourrissent d’autres animaux qui ont la mortalité la plus élevée par cancer.
Un phénomène que les chercheurs expliquent par un régime alimentaire pauvre en fibres et une surexposition constante aux composés toxiques et cancérigènes qui s’accumulent dans la chaîne alimentaire. L’exposition à des pathogènes en mangeant de la viande crue est aussi une voie explorée dans l’origine de ces nombreux cancers.
Bref, cette chienne avait un tableau clinique plutôt favorable, et décédera en 2019 d’une insuffisance cardiaque. On ne pourra pas démêler l’effet de la diète cétogène de la restriction calorique avec un tel protocole.
Ces résultats montrent néanmoins l’intérêt qu’il faut porter à cette option thérapeutique. Une option de plus en plus envisagée dans la littérature scientifique, comme l’estime une équipe qui a récemment publié sur cette question.
Cette équipe a montré qu’une alimentation cétogénique avait entraîné chez des chiens en bonne santé de nombreux changements au niveau des métabolites de l’organisme et de l’équilibre de la flore intestinale. Des changements pouvant avoir des effets anti-cancéreux selon eux n’hésitant pas à parler de « céto-thérapie ».
Le mot de la fin
La piste thérapeutique qui suit les travaux de Warburg sur le cancer est encore balbutiante. Nous avons peu d’études cliniques chez l’homme, et malheureusement aucune chez l’animal pour en mesurer pleinement les possibilités de guérison.
Ceci étant dit, les phénomènes métaboliques que l’on a pu démontrer chez l’homme pourraient bien entendu se retrouver chez nos chiens et nos chats. On pourrait s’attendre à observer des bénéfices identiques.
Mais franchir cette limite sans précaution ni prudence serait une erreur. Les cancers étant déstabilisants avec des natures, des stades et des agressivités différentes, il faut rester prudent dans l’interprétation d’évidence anecdotique.
Des anecdotes qui participent toutefois à nourrir une réflexion sur ce sujet et enthousiasmer peut-être la recherche clinique pour davantage se pencher sur cette question.
La diète cétogène n’a pas fini de faire couler beaucoup d’encre… Et en espérant avoir des travaux cliniques d’ampleur pour avoir des avis plus fiables sur cette question !
6 commentaires
L’étude de cas du pitbull n’a pas le bon lien, merci.
Bonjour Sascha,
Merci, c’est corrigé, j’étais effectivement sur plusieurs publications du même éditeur, amenant à l’inversion !
Au plaisir
merci pour la réactivité et bien sûr aussi pour le très intéressant travail!
Avec plaisir ! Il faut bien l’être ! Ce serait quand même gênant de ne pas donner accès à la bonne référence qui fait la base de l’article en question !
Merci de ton retour :)
Merci pour vos approches très objectives
Avec plaisir ! Merci à vous et bonne continuation !